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Une réflexion borgne de toute clinique | | | Julien Friedler L'Oeil d'Oedipe PUF 2004 / 23.00 € - 150.65 ffr. / 206 pages ISBN : 2-13-054060-0
L'auteur du compte rendu : Antoine Bioy est psychologue et enseignant en psychologie. Imprimer
Julien Friedler est psychanalyste et artiste plasticien. Il dirige un groupe de recherche autour de lappareil psychique, sur Bruxelles, et a déjà publié aux PUF Psychanalyse et neurosciences après quelques romans et recueils de poésie. Pour beaucoup, ce nouvel essai prolonge sa première collaboration aux PUF comme en témoigne le nombre important dautocitations, dont lauteur finit par sexcuser !
Il est fort difficile de synthétiser le propos dun ouvrage tel que Lil ddipe, car il aborde de très vastes notions sans que le cadre de la réflexion apparaisse de façon très claire, malgré un prologue et un épilogue qui tentent de donner des repères au lecteur. Parfois a-t-on même limpression dune forme de libre association documentée, une méthode déroutante et sur laquelle nous reviendrons.
Julien Friedler pose en postulat quil existerait dans la psyché des facteurs irréductibles, ancrés dans lanatomo-physiologie, et qui seraient des fonctions de linconscient. Observant que les mythes varient dans le temps (larchétype est stable, le signifiant mouvant et imprégné de réel), lauteur remarque que certains ensembles signifiants persistent envers et contre tout, comme sil sagissait dinvariants, des «signifiants primordiaux» organisés autour dun ombilic. Ces signifiants auraient connu une «longue chute de leurs contenus dans linconscient humain» dont il émerge parfois quelques ersatz dont linconscient freudien serait lensemble nucléaire. Lauteur argumente sa thèse par lanalyse de nombreux mythes, de rêves narrés par Freud et dautres ressources documentaires, dont médicales.
Le sentiment global que lon ressent lorsque se tourne la dernière page de Lil dOedipe est une forme de gêne mêlée de frustration. Une gêne, car lon vient de lire un enchevêtrement de connaissances forcément parcellaires et lon se demande si lauteur na pas tenté une forme de syncrétisme entre des champs de savoir encore imperméables les uns par rapport aux autres. Par exemple, on reste pour le moins dubitatif lorsque lauteur fait un lien entre la structure des dendrons (unités neurologiques) et le rêve de linjection faite à Irma de Freud
La frustration vient du fait quau-delà de nombreux raccourcis de pensée, de ce qui semble être des mariages forcés entre sciences différentes, et de certaines maladresses intellectuelles (comme faire des interprétations sur des supposés actes manqués de Freud à partir de ses écrits comme sil sagissait dune parole spontanée), Julien Friedler avance de nombreuses idées qui mériteraient dêtre plus avant développées. Ainsi, son développement autour de la notion de Loi et de matricide est dun grand intérêt, ainsi que son nouvel éclairage autour de principaux rêves freudiens, notamment Les Trois Parques, passionnant.
Ce qui en définitive vient perturber le lecteur est la méthodologie de lauteur que nous avons qualifiée, sans doute un peu rapidement, de «libre association documentée». Julien Friedler sengage dans une voie inédite : non plus prendre les mythes et remonter au sujet mais à partir des fantasmes desdits sujets, remonter vers les mythes, anciens ou de nouveaux. Ce chemin est sans doute le plus complexe à emprunter, totalement novateur, ce qui explique sans doute les errances par avant soulignées de cet ouvrage hétéroclite, et la difficulté du lecteur à ne pas perdre le fil conducteur. Ce qui manque cruellement aux démonstrations de Julien Friedler, cest lépreuve de la clinique. Les arguments sont ici théoriques, mais sagissant de psychanalyse, ils ne peuvent sépanouir que dans le terreau de la parole de lanalysant, à limage de la méthode scientifique bâtie par Freud. Sans doute quavec lappui de la clinique, lauteur pourra éprouver ses nouvelles théories ainsi que sa méthode. Mais pour linstant, cet apport du sujet (le patient) est cruellement absent, et laisse le lecteur dans le doute quant à la réelle portée des arguments de lauteur et parfois aveugle des modes de pensée auxquels Julien Friedler veut nous initier, avec cependant une détermination tout à son honneur.
Antoine Bioy ( Mis en ligne le 03/08/2004 ) Imprimer | | |
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