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| Irène Diamantis Les Phobies ou l'impossible séparation Flammarion - Champs 2005 / 7.20 € - 47.16 ffr. / 249 pages ISBN : 2-08-080132-5 FORMAT : 11x18cm
Ouvrage paru chez Aubier (2003).
L'auteur du compte rendu : Antoine Bioy est psychologue clinicien et docteur en psychologie. Imprimer
Irène Diamantis est psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne. Elle exerce à lhôpital Necker-Enfants malades, sur Paris. Sinscrivant dans une pensée lacanienne, elle fait ici une démonstration de filiation éclairée qui nhésite pas à remettre en question des concepts établis, en sappuyant sur sa clinique des troubles phobiques.
Pour lauteur, la phobie donne un objet à langoisse de séparation, lune des plus primitives. Elle peut donc se retrouver dans toute structure de personnalité, où elle pourrait se caractériser comme une pathologie du narcissisme primaire (il sagirait dune «disposition polymorphe»). Remarquant à la suite de Freud la proximité entre phobie et perversion, Irène Diamantis développe à ce propos un argumentaire innovant. Le noyau phobique est vu comme une défense contre les assauts de la perversion, et serait même la défense la plus commune et la plus opérante dans léconomie du sujet.
Sur un plan pulsionnel, lenjeu ne serait pas tant la question de la castration, mais celui de la séparation. Autrement dit, la question nest pas tant délaborer et de dépasser la perte, mais de la mettre en distance. Sur un plan dynamique, une différence majeure se dessine alors : le noyau phobique, à linverse de la perversion, laisse une place à la culpabilité, ouvrant ainsi le sujet au monde symbolique.
La phobie apparaît donc dans ce contexte comme une relation signifiante à la séparation, ou plutôt à limpossible séparation, ce qui renvoie à une position incestueuse qui sexprimera avec dautant plus de violence quelle est méconnue. Et la distance que met le phobique entre lui et lobjet de son désir va lui permettre laccès au processus de symbolisation, certes fragile, mais néanmoins nécessaire à un certain équilibre au sein du déséquilibre.
Position paradoxale, qui permet à la fois de rejeter lobjet et dy avoir néanmoins accès, de vouloir sen séparer tout en mettant en uvre ce qui est nécessaire pour empêcher cette séparation. Lauteur synthétise ainsi sa pensée : «Létat phobique agit comme une pensée incestueuse qui se fige devant limpossible séparation. En surinvestissant un objet, elle tente de maîtriser en la symbolisant cette impossibilité primordiale. Reconnaître le lieu de son aliénation conduit à pouvoir sen séparer.» Le lieu de cette reconnaissance est lespace de la cure analytique, propre à faire resurgir ce qui est refoulé, et ainsi permettre dautres investissements.
Largumentation dIrène Diamantis est pour le moins novatrice, même si louvrage apparaît à maints égards comme laboutissement dune thématique commencée il y a plus de dix ans (on se souvient de sa contribution à louvrage Traits de perversion dans les structures cliniques, Navarrin, 1990).
Lauteur choisit pour appuyer ses propos le noyau même de la méthode analytique, ce que Roland Gori nomme «la preuve par la parole», en laissant une place importante à la clinique et à la présentation de cas structurés. À la façon dune Joyce Mc Dougall, Irène Diamantis assume une conceptualisation nouvelle, donc dérangeante, en retournant à la source même de la psychanalyse : la parole des patients. Elle rappelle ainsi implicitement que la psychanalyse est aussi une méthode dinvestigation psychique qui sait évoluer au gré des analyses menées, et nest pas quune simple grille de lecture des problèmes motivant un suivi analytique. Son ouvrage nen a que plus de force et dintérêt.
Antoine Bioy ( Mis en ligne le 04/11/2005 ) Imprimer | | |
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