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Quand les mathématiques prennent leur envol
Dominique Flament   Histoire des nombres complexes - Entre algèbre et géométrie
CNRS éditions - Histoire des sciences 2003 /  39 € - 255.45 ffr. / 501 pages
ISBN :  2-271-06128-8
FORMAT : 17x24 cm

L'auteur du compte rendu: Après un DEA de traitement du signal et de l’image à l’Ecole Normale Supérieure de Cachan et deux ans de recherches sur la détection et le suivi des régions sur la couronne solaire au laboratoire CEREMADE de Paris IX Dauphine, Valérie Charoing est actuellement à la recherche d’un emploi en ingénierie.
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Dominique Flament, docteur en mathématiques et en histoire des mathématiques, est chercheur au CNRS. Avec Histoire des nombres complexes. Entre algèbre et géométrie (on lui doit également Le nombre, une hydre à n visages, MSH, 1997), il lève les mystères d’un pan majeur de sa science : la construction des nombres complexes. Ces nombres, imaginaires parce qu’ils n’ont aucune signification physique, s’ajoutent aux nombres réels. Ils sont nécessaires au calcul car ils donnent un sens à l’impossible : l’extraction de la racine carrée d’un nombre négatif.

Cette étude repose sur un travail de recherche très complet et très documenté. On y trouve les extraits originaux des rapports, thèses et autres travaux de recherche des grands mathématiciens du XIIIe au XIXe siècle. L’auteur nous livre également quelques échantillons de courriers que s’échangeaient les savants pour se congratuler ou exprimer leur désaccord.
Dominique Flament insiste sur le travail d’équipe dont découlent les grandes découvertes et théories, mais aussi les grandes erreurs. Ces erreurs, indispensables, permettent de pointer du doigt par leur apparente contradiction, les théories qui ne tiennent pas debout.

Pendant longtemps, les mathématiciens sont restés tellement attachés aux applications de leur science qu’ils n’ont pas pu s’expliquer une valeur négative, qui n’a rien de naturel. Sans représentation géométrique, l’intérêt de la méthode était mis en cause. La géométrie était alors un recours pour démontrer une proposition. Par exemple, une équation du quatrième degré ne pouvant être représentée graphiquement devenait tout simplement absurde et choquante. La faute se renouvelait autant de fois qu’ils essayaient de faire coller leur formalisme à la nature.
Ce symbolisme était, de plus, personnel à chaque chercheur, et ambiguë, ce qui rendait difficiles la compréhension et l’utilisation des théories avancées, et était logiquement source d’erreurs répétées. Il faudra attendre plusieurs siècles avant qu’une sorte d’ «esperanto mathématique» se mette en place. On comprend dès lors la difficulté de ces illustres penseurs face aux nombres imaginaires.

Jusqu’au XVIIIe siècle, il faut donc savoir offrir une représentation géométrique de ses résultats, sous peine de les voir rejetés. Il est alors inutile de connaître le comportement des objets au voisinage de l’infini puisque cet infini n’intéresse pas les praticiens. Avec l’importance croissante accordée à la rigueur, la représentation reprendra sa place, celle d’une illustration, un moyen de développer l’intuition de nouveaux résultats, mais plus celui d’élaborer une démonstration. Avec toujours plus de rigueur, ce qui était considéré comme un axiome jusqu’ici devient alors une simple hypothèse à vérifier.
On passe petit à petit des mathématiques traduites du monde et de ses applications, aux mathématiques abstraites, langage symbolique qui ne doit plus être influencé par la nature. On peut ainsi commencer à construire l’ «espace» des nombres complexes plus sereinement, débarrassé de cette obligation de les représenter avant de les comprendre.

C’est seulement à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle que le nombre complexe «i» cesse d’être un mystère nécessaire au calcul pour devenir un nouvel objet mathématique. On découvre comment les travaux parfois complètement dénués de rigueur d’un chercheur resté anonyme se conjuguent à ceux des génies, comment la faiblesse de la diffusion de l’information scientifique est longtemps un frein au développement des mathématiques. Certains, en effet, consacrent un temps précieux à l’élaboration d’une théorie existant en secret depuis plusieurs décennies. L’ouvrage offre un mélange de passages techniques et des bouts de vie des génies qui ont marqué l’histoire des mathématiques ; certains sont morts sans reconnaissance et dans l’indifférence, d’autres, au contraire, ont bénéficié d’une aura qui a facilité la publication et l’adoption de leurs travaux.

Au cours de ces siècles de recherche où l’on a repensé les mathématiques, la géométrie a perdu de son importance, n’étant plus un outil pour «démontrer» l’algèbre. L’augmentation de la rigueur imposait de dissocier algèbre et géométrie pour créer les structures et les bases de la mathématique moderne. Une fois ce travail effectué, la géométrie sera «réhabilitée» pour illustrer les nombres.

Plus que l’histoire des nombres complexes, ce travail met en exergue le développement des mathématiques en général. Cet exposé nécessite d’avoir clairement en tête le formalisme actuel pour voir les abus des formalismes passés. Sa lecture est donc réservée à un public averti.
C’est néanmoins un exercice intéressant pour le lecteur qui doit comprendre comment les expressions ou les idées mathématiques qu’il a apprises et qui sont pour lui naturelles et inébranlables -sans aucune place laissée au doute- pouvaient être considérées comme impossibles par les chercheurs d’alors.

Du vieux français à l’anglais du XVIIIe siècle en passant par l’italien ou l’espagnol, l’auteur met à notre disposition des extraits des textes originaux des savants ayant participé à la construction des nombres complexes. Cela ne facilite pas la lecture de ce travail car on ne peut compter sur aucune traduction. Mais Dominique Flament ne raconte pas, il n’interprète pas, il expose et ce de façon très détaillée.


Valérie Charoing
( Mis en ligne le 12/11/2003 )
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