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La relativité relativisée | | | João Magueijo Plus vite que la lumière Dunod - Quai des sciences 2003 / 25 € - 163.75 ffr. / 324 pages ISBN : 2-10-007247-1 FORMAT : 16x24 cm
Faster than the Speed of Light (2003), traduit de l'anglais par Evelyne et Alain Bouquet.
L'auteur du compte rendu : docteur en astrophysique, Thomas Lepeltier enseigne actuellement à l'Université de Newcastle (Grande Bretagne) et collabore régulièrement au journal Sciences Humaines.
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Attention, titre trompeur : lauteur de ce livre ne prétend pas quil existe des objets allant plus vite que la lumière, mais que la vitesse de la lumière était peut-être, aux premiers temps de lUnivers, nettement plus rapide quelle ne lest aujourdhui. Moins iconoclaste que le titre pourrait donc le laisser penser, cette revendication a toutefois de quoi bousculer le monde de la physique où, depuis Einstein, la constance de la vitesse de la lumière est un postulat fondamental. Mais cette idée de faire varier la vitesse de la lumière sest imposée à Joao Magueijo, professeur de physique théorique à lImperial College de Londres, pour résoudre les problèmes de lhomogénéité et de la platitude de lUnivers dans la théorie du big bang.
Prenons par exemple le problème de lhomogénéité. Il peut sexpliquer de la façon suivante. Puisquaucun signal ne peut se propager plus rapidement que la lumière, un élément de lUnivers na pu être en contact avec un autre élément sils sont tous deux séparés par une distance supérieure à celle quaurait pu parcourir la lumière depuis lorigine temporelle de lUnivers (on dit dans ce cas que les deux éléments ne sont pas causalement liés). Jusquà là, pas de problème. Mais, dans le cadre de la théorie du big bang, on narrivait pas à expliquer comment lunivers observable peut à la fois apparaître homogène et être constitué de parties qui ne sont pas causalement liées. Doù la question qui se pose aux partisans de cette théorie : par quel processus cette homogénéisation sest-elle produite ?
Pour résoudre cette énigme, certains chercheurs supposèrent au début des années 1980 que lUnivers connut très tôt dans son histoire une expansion extrêmement importante durant une infime fraction de seconde, avant de reprendre son expansion à un taux «normal». Ce mécanisme dexpansion à la fois phénoménale et ultrarapide fut alors désigné sous le nom d«inflation» et cest lui qui aurait fait quun petit morceau homogène dUnivers (où tous les éléments étaient causalement liés) soit à lorigine de lunivers actuellement observable (où tous les éléments ne nous apparaissent pas causalement liés). Mais cette explication, bien quelle devînt un sujet de recherche à la mode chez les cosmologistes, apparut toutefois un peu ad hoc à certains chercheurs qui se mirent à chercher des alternatives.
Étant lui aussi insatisfait, Joao Magueijo imagina tout simplement au milieu des années 1990 que des parties de lUnivers qui nous semblent non causalement liées si on considère que la vitesse de la lumière est constante auraient très bien pu être en contact dans le passé, et donc shomogénéiser, si la vitesse de la lumière avait été tout au début de lUnivers bien supérieure à ce quelle est actuellement. Lidée paraissait simple, mais elle avait le défaut de remettre en cause un postulat important de la physique moderne. Aussi Joao Magueijo eut-il du mal à la faire accepter par ses collègues. Mais, petit à petit, lhypothèse, au début considérée comme loufoque, fit son chemin et elle est maintenant reprise par des cosmologistes de renom tels John Barrow et Lee Smolin. Tout aussi stimulant est le fait quelle sintègre relativement bien à la nouvelle théorie développée par Giovanni Amelino-Camelia qui remet lui aussi en cause la théorie de la relativité, mais dans une perspective différente*. Enfin, cette théorie dune vitesse variable de la lumière permettrait éventuellement dexpliquer des observations quelque peu troublantes**. Pas de doute donc quil commence à y avoir une certaine effervescence autour de cette idée dune vitesse variable de la lumière.
Aussi est-il très intéressant de découvrir dans ce livre, où très peu de connaissances techniques sont nécessaires, comment fut élaborée cette théorie relativement récente, des premiers déboires aux développements actuels. Il faudrait même parler des théories de la vitesse variable de la lumière, puisque Joao Magueijo en a de fait développées plusieurs, dont une serait finalement compatible avec la théorie de la relativité. Bien sûr, rien ne dit que ces théories ne seront pas abandonnées dans un futur plus ou moins proche. Certains physiciens restent dailleurs extrêmement sceptiques à leur encontre***. Mais même sil savère au bout du compte quelles conduisent à une impasse, ce livre gardera son intérêt tant il est instructif de connaître le cheminement qui a conduit à de nouvelles théories. Signalons toutefois que la construction de louvrage est quelque peu problématique. Loin de sêtre contenté décrire un livre de vulgarisation scientifique, Joao Magueijo nhésite pas à nous parler beaucoup de lui. Et la peinture quil nous offre est plutôt flatteuse : jeune chercheur brillant, très décontracté, sportif, sympa, ouvert, très «cool», «branché» et qui boit sa bière comme tout le monde
Cette suffisance à longueur de pages finit pas être lassante.
Joao Magueijo nhésite pas non plus à nous dire ce quil pense de la société anglaise et du monde de la recherche. Ces propos sont certes plus intéressants que les descriptions narcissiques de ses activités quotidiennes. Par exemple, il nest pas sans intérêt de rappeler la surprise quil éprouva, en tant que jeune étudiant portugais venant poursuivre ses études en Angleterre, face à limportance des classes sociales dans ce pays. De même, il nest pas inutile de décrire la quantité hallucinante de tâches administratives absurdes et contre-productives auxquelles sont soumis les universitaires dans ce pays réputé pour son pragmatisme. Enfin, il est également intéressant de porter un regard critique sur la façon dont fonctionnent les comités scientifiques et les revues universitaires, à referees. Mais, dans ce dernier cas, en lieu et place de toute critique constructive, Joao Magueijo passe son temps à déverser sa bile contre lestablishment scientifique, accusé dêtre un ramassis de vieux parasites qui empêchent les jeunes chercheurs dynamiques comme lui de faire progresser la recherche.
Cest un peu facile pour un chercheur qui a décroché des bourses prestigieuses et qui est maintenant professeur à moins de 40 ans à lImperial College de Londres. Oublie-t-il que cest parce quil a publié des articles dans des revues à referees quil a pu jouir et quil continue à jouir dune situation professionnelle très confortable qui lui permet de faire la recherche quil a envie de faire ? Il y a ainsi chez ce Joao Magueijo une certaine puérilité qui peut agacer, et cela sans même évoquer tous les jugements à lemporte-pièce quil émet sur telle ou telle théorie physique qui na pas le bonheur de lui plaire. Mais si on arrive à faire abstraction de ces travers, soulignons encore une fois quil est assez intéressant de découvrir comment furent élaborées ces théories de la vitesse variable de la lumière.
* Une présentation non technique et très claire de ces travaux se trouve dans larticle de David Harris, «After Einstein», New Scientist, 8 février 2003.
** Observations présentées par exemple par Roland Lehoucq dans larticle «Linconstante constante de structure fine», La Recherche, 348, décembre 2001.
*** Ceux qui sy connaissent en physique pourront consulter avec profit larticle critique de George F. R. Ellis et Jean-Philippe Uzan, «c is the speed of light, isnt it ?» (à paraître dans General Relativity and Quantum Cosmology) à ladresse suivante : http://fr.arxiv.org/abs/gr-qc/0305099.
Thomas Lepeltier ( Mis en ligne le 16/01/2004 ) Imprimer | | |
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