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Sciences, écologie & Médecine -> Ecologie & nature |
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Une confrontation féconde entre les préoccupations écologistes et la réflexion et l’action des chrétiens | | | Marc Stenger Collectif Planète vie Planète mort - L'heure des choix Cerf 2005 / 24 € - 157.2 ffr. / 277 pages ISBN : 2-204-07949-9 FORMAT : 15x22 cm
Lauteur du compte rendu : Rémi Luglia, professeur agrégé dHistoire et interrogateur en deuxième année dans une classe préparatoire commerciale, est doctorant à Sciences-Po Paris où il mène une recherche sur lhistoire de la protection de la nature en France de 1854 à nos jours à travers le mouvement associatif. Imprimer
On dit souvent que le christianisme justifie par essence lexploitation de la nature aux seules fins de la nécessité et du plaisir humain. Hélène et Jean Bastaire (Pour une écologie chrétienne) nous avaient déjà brillamment démontré lextraordinaire simplisme de cette observation. Louvrage actuel réitère la démonstration et montre que, sil est indéniable quune certaine interprétation chrétienne invite les hommes à ne faire quune exploitation sans vergogne de ce qui les entoure et que les chrétiens appellent la création, dautres au contraire posent quà lhomme, parce quil a été créé supérieur à toutes choses sur terre, incombe la responsabilité de cette création et donc implicitement celle de sa gestion durable, pour lhomme, et de sa protection, pour elle-même.
A linverse, la meilleure défense étant lattaque, on voit émerger dans les milieux chrétiens une contestation de lécologisme et des mouvements qui le portent, au motif principal quils refusent la prééminence de lhomme sur le reste du monde. Laurent Larcher nous avait déjà exposé ces idées lan dernier (La face cachée de lécologie. Un antihumanisme contemporain ?, Paris, Cerf, 2004), en prêtant toutefois le flanc à la critique. Ici, le propos est bien plus nuancé et lanalyse ne porte clairement que sur les fondamentalistes de lécologisme ou de la «deep ecology». Contrairement à Laurent Larcher, qui assimile de manière caricaturale les deux phénomènes, lécologie est invitée à sexprimer dans cet ouvrage collectif, et lon constate, sans surprise, que les préoccupations écologistes se retrouvent en grande partie dans la foi chrétienne.
Et, au-delà de ces querelles dordre théologique (le christianisme légitime-t-il intrinsèquement la destruction de la nature ou est-il porteur dun message protecteur de celle-ci ?), pour importantes quelles puissent être, ou de ses prises de position sur lidéologie de groupuscules ultra minoritaires, lintérêt de cet ouvrage réside dans les témoignages de chrétiens qui simpliquent sur des thèmes clairement écologistes. Dépassant ainsi lenjeu dun anti-écologisme contenu ou pas dans le christianisme (idée rejetée unanimement et de manière probante par les auteurs), il sagit de savoir si les chrétiens peuvent être écologistes ou si leur humanisme est définitivement contraire à cette idée des relations entre lhomme et la nature. La réponse est ici positive ; dits et faits de chrétiens se rassemblent pour le montrer.
Cet ouvrage collectif, aux contributions néanmoins inégales dans leur intérêt et dans la pertinence de leurs analyses (mais cest le cas de tous les ouvrages de ce type et cela tient pour partie à la diversité des horizons des auteurs), sorganise en trois grands thèmes pour répondre à ces interrogations. La parole est dabord confiée aux scientifiques qui dressent un panorama des risques qui pèsent sur notre planète et sur nous, à lheure actuelle ou pour le futur. Nous avons là quelques belles pages et notamment un article de Jean-Pierre Raffin qui expose de manière fine, nuancée et tempérée (cest extrêmement rare sur ce sujet), létat des connaissances sur les OGM et les interrogations qui persistent. Lopacité volontaire que les entreprises et les gouvernements font régner sur les études portant sur les risques potentiels de perturbation par la dissémination des transgènes participe largement au climat dinquiétude que ces mêmes acteurs dénoncent par ailleurs ! Outre les OGM, des chercheurs nous présentent leurs réflexions sur lénergie, le transport, lurbanisation, leau, la biodiversité, lagriculture, la démographie. Bref, les principales interrogations sur les relations de lhomme avec son environnement sont exposées.
Cest dans le corps de la deuxième partie que la réflexion théologique intervient. La pensée de lEglise catholique est exposée ; lécologie «sacralisante» dénoncée ; le développement solidaire et durable resituée comme partie intégrante du message chrétien ; la responsabilité de lhomme vis-à-vis de la Création posée. Des liens entre la doctrine chrétienne et lécologisme sont soulignés ; dautres rejetés. La place des chrétiens dans lécologisme est délimitée clairement et justifiée.
La troisième et dernière partie sintitule «agir pour la création». Cest là que, au delà des messages et de la théorie, on plonge dans la vie des chrétiens en considérant dabord comment les Eglises chrétiennes se saisissent du problème ; puis en quoi il sagit dun enjeu pour les fidèles ; enfin comment certains chrétiens agissent concrètement dans ce sens. Ces témoignages sont porteurs à la fois dexemplarité (comment agir ?) et despoir (certains font quelque chose). Ils invitent expressément les croyants, bien sûr, mais aussi les autres, à prendre conscience des problèmes, du rôle de chacun et de la nécessité dagir.
Finalement, dans ces diverses parties, ce stimulant ouvrage correspond tout à fait à laxiome des écologistes, «penser globalement ; agir localement».
Rémi Luglia ( Mis en ligne le 24/10/2005 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:La Face cachée de l'écologie de Laurent Larcher Pour une écologie chrétienne de Hélène Bastaire , Jean Bastaire | | |
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