|
Rayon gay & lesbien -> Littérature |
| Gilles Sebhan Retour à Duvert Le Dilettante 2015 / 21 € - 137.55 ffr. / 224 pages ISBN : 978-2-84263-833-7 FORMAT : 14,1 cm × 20,5 cm Imprimer
Après Tony Duvert, lenfant silencieux (2010), Gilles Sebhan a reçu de nombreux témoignages, lettres, photos sur cet écrivain sulfureux quest Tony Duvert (1945-2008) et a pu écrire une biographie plus précise, en essayant daller au bout des secrets, parfois au bout de lhorreur, sans se censurer.
Le premier ouvrage de Duvert est Portrait dun homme-couteau ; il y raconte sa fugue et sa tentative de suicide, à lâge de quinze ans. En 1973, il obtient le prix Médicis pour Paysage de fantaisie et ses romans ont un certain succès dans les années 70 ; il est soutenu par Robbe-Grillet et Jérôme Lindon qui publiera pratiquement tous ses écrits aux Editions de Minuit. Il lui confie même la direction de la revue Minuit avec Michel Longuet qui deviendra un ami à vie.
«Dans mon premier essai, dit Gilles Sebhan, je maperçois aujourdhui que je cherchais, alors même que son livre Journal dun innocent détaillait ses exploits, à minimiser les faits, à maquiller son goût pour lextrême jeunesse en goût pour les garçons tout court, comme sil sagissait de protéger quelquun, lui ou moi ou les éventuels lecteurs» (p.70). Les deux passions de Duvert sont la musique classique (c'est un très bon pianiste) et le sexe ; il est obsédé par l'amour fou entre des hommes qui ne se ressemblent pas. On pense à la fougue de Pasolini et ses liaisons compliquées.
Après Le Bon sexe illustré (1974), son premier grand essai, il part deux ans à Marrakech ou il peut jouir sans entraves et aimer des garçons de tous âges, beaux et dociles. Ce seront les plus belles années de sa vie. Quand il revient, il sisole, devient un paria, ce qui entraînera sa mort solitaire. La pédophilie est pour lui une utopie pour demain et un chemin de réflexion, car en France il se garde bien de pratiquer. Son but ultime est la redéfinition de lenfance pour en découvrir les secrets et la vérité.
En 1982 est votée la dépénalisation de lhomosexualité (grâce à Jack Lang) qui sépare enfin la cause homosexuelle du cas des pédophiles : Duvert, scandaleux, reste inacceptable ; il nest plus à la mode ; il est vite oublié. Son dernier texte publié, LAbécédaire malveillant (1989), est éreinté par la critique, surtout Jérôme Garcin dans LEvénement du jeudi. Dans les années 90, il vend tout ce quil possède, sa bibliothèque comprise, et part vivre jusquà la fin de ses jours chez sa mère à Thoré-la-Rochette, ce malgré ses idées sur la malfaisance d'une mère incestueuse, égoïste et indifférente, comme un négatif de limage du père, mort par suicide dans sa jeunesse. Tony Duvert souffre de problèmes cardiaques, il est pauvre et épuisé, c'est un angoissé permanent. Le dégoût quil a pour sa mère reflète une haine de soi. Il ne se supporte plus et ne publie rien pendant près de 20 ans bien quil sépuise à écrire sans cesse.
Malgré ses murs, on ne peut être que touché par ce destin solitaire et honni, la souffrance dun être décalé tout au long de son existence. Gilles Sebhan a parfaitement réussi cette biographie, en débusquant lhomme derrière lécrivain et l'image du pédophile. Deux contes érotiques de Tony Duvert terminent l'ouvrage. Ce grand styliste, qui a profité de ces années de libération sexuelle, déclarait : «Tous les enfants sont des hommes. Peu dadultes le restent».
Eliane Mazerm ( Mis en ligne le 16/10/2015 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Salamandre de Gilles Sebhan Mandelbaum ou le rêve d’Auschwitz de Gilles Sebhan | | |
|
|
|
|