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Nanook l’esquimau
avec Robert Flaherty
Arte Vidéo 2005 /  26  € - 170.3 ffr.
Durée film 79 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma : 1922, USA
Titre original : Nanook of the North

Version : DVD 9 PAL Zone 2
Format vidéo : 1.33
Format image : 4/3
Format audio : Français, Anglais, Allemand 2.0 DPL
Sous-titres : aucun

DVD Edition Collector

Bonus :
Entretien avec Richard Leacock (2000)
Interview de Madame Frances Flaherty (1958)
Extrait de « La mise en scène documentaire » (1994)
Galerie de photos de Robert Flaherty sur l’Arctique
Frozen frolics (1930)
Arctic expedition (1914)
Titres de la collection « Cinéma muet »


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Film de commande, Nanook of the north (Nanook l’esquimau) est sorti, non sans mal, sur les écrans aux USA en 1922. Et contre toute attente, ce premier documentaire de l’histoire du cinéma connut un retentissement mondial. Son réalisateur Robert Flaherty est considéré avec Dziga Vertov comme le père fondateur du cinéma ethnographique et plus largement du documentaire.

Le film nous plonge dans le quotidien d’une famille Inuit (Esquimau), celle de Nanook dans la baie d’Hudson et nous parle du rapport de l’Homme à la Nature. On découvre le mode de vie d’un peuple nomade à travers ses techniques de chasse et de pêche, de construction de son habitat, l’igloo. On y voit également Nanook faire le commerce de ses fourrures au comptoir danois. Si cette scène n’a pas été traitée pour ce qu’elle est, c’est-à-dire un épisode peu glorieux de la domination colonialiste, c’est que Flaherty n’est pas un cinéaste militant au sens où il ne fait pas la critique des rapports colonialiste/colonisé. Son cinéma n’est pas pour autant dépourvu de toute dimension politique puisqu’il poursuit un but humaniste. Il s’inspire des méthodes employées dans les films de fiction en dramatisant sciemment certains éléments de la vie des Inuits pour faire naître l’émotion chez le spectateur. Il souligne la rudesse du quotidien de ce peuple dans la perspective de provoquer l’adhésion du public, d’amener le monde occidental à une prise de conscience face à un peuple et une culture menacés de disparition.

Ces procédés cinématographiques sont au cœur du débat sur la place qu’occupent conjointement le réel et la fiction au sein du documentaire. Comme le rappelle son opérateur Richard Leacock, les techniques cinématographiques de l’époque rendaient nécessaires la préparation des scènes et l’implication des acteurs – l’équipe technique était d’ailleurs composée d’Inuits. Tous les films de Flaherty étaient donc mis en scène et certains remettent en cause la pertinence de ses documentaires car, du propre aveu du cinéaste, des scènes étaient reconstituées voire même inventées, ce qui pose la question des conditions et des limites de la reconstitution. D’autres y répondent en défendant le « principe de manipulation du documentaire » et déclarent : « Il faut souvent déformer un sujet afin d’en saisir l’esprit authentique »*

Le film est complété par de nombreux bonus dont un extrait de « La mise en scène documentaire » sur l’histoire du documentaire qui contextualise le travail de Flaherty. Son opérateur, Richard Leacock, nous précise ses méthodes de travail et nous éclaire sur les raisons du recours massif au gros plan. Une interview de la femme du documentariste revient sur le rapport étroit existant entre science et art dans ses films. La palme du bonus revient haut la main à Frozen frolics, un dessin animé loufoque de 1930 qui fait se côtoyer une faune imaginaire avec le bestiaire peuplant l’Arctique. A y regarder de plus près, Frozen frolics est autre chose qu’un simple cartoon burlesque. Le travestissement permanent entre animal et humain qui émaille le dessin animé - les Inuits sont symbolisés par une souris et un chat et les ours polaires par ce qui paraît être des hommes déguisés en ours ! – semble rendre compte des représentations mentales occidentales, conscientes ou inconscientes, sur les Inuits, sur l’Autre, cet étranger, où les frontières séparant formes humaines et animales se disloquent. Pour rappel, les Australiens classaient encore hier - jusque dans les années 80 - les Aborigènes parmi la faune et la flore de l’Australie… Frozen frolics paraît dès lors symptomatique d’une pensée occidentale nourrie d’idéologie colonialiste.

Pour comprendre la situation actuelle du peuple Inuit, il faut se plonger dans l’ouvrage de Jean Malaurie, Les derniers rois de Thulé, qui dresse un réquisitoire contre une société occidentale ethnocentriste et ethnocide. En 1951, une base militaire américaine s’est installée au Groenland qui était alors sous protectorat danois. Ce sera le début d’une marche forcée vers un système économique occidental qui bouleversera le mode de vie des Inuits, contraints à la sédentarisation, avec les effets dévastateurs que l’on sait. Laissons la parole à Jean Malaurie : « Le Groenland a acquis son autonomie interne dans le cadre de la constitution danoise […] mais Copenhague n’accorde au Groenland son autonomie qu’après avoir autorisé une immigration massive et installé des structures économiques et sociales irréversibles […] A qui fera-t-on croire que ce jeune gouvernement, placé devant de tels impératifs, puisse avoir assez de force pour refuser ce qui ne lui convient pas dans le système économique occidental, qui, seul, lui permet la poursuite du relèvement rapide de son niveau de vie ? […] Il s’instaure ici, sous l’alibi d’une autonomie interne, une politique économique qui ne puisse se traduire que par la dissolution progressive et accélérée de la société groenlandaise. Un Groenland de façade mais, dans sa réalité économique et financière, profondément intégré à l’Occident industriel et à son colonialisme économique ».


* Robert Flaherty and the naturalistic documentary, in Hollywood quarterly, 1950.


Tiphaine Rochereuil
( Mis en ligne le 07/03/2005 )
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