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Coffret Jean Rouch
avec Jean Rouch
Editions Montparnasse 2005 /  60  € - 393 ffr.
Durée film 660 mn.
Classification : Tous publics

Version : DVD 9 / Zone 2
Format vidéo : 1.33
Format audio : Français, Dolby digital, Mono

DVD Edition Collector

DVD 1 :

Ciné Transe
Les maîtres fous, 1956, 28 mn
Mammy Water, 1956, 18 mn
Les tambours d’avant / Tourou et Bitti, 1972, 9 mn

Ciné Conte
La chasse au lion à l’arc, 1967, 77 mn
Un lion nommé l’Américain, 1972, 20 mn

DVD 2 : Ciné-Plaisir
Jaguar, 1967, 88 mn
Moi, un Noir, 1959, 70 mn

DVD 3 : Ciné-Rencontre
Petit à petit, 1971, 92 mn
La pyramide humaine, 1961, 88 mn

DVD 4 : Ciné-Rouch
Jean Rouch raconte à Pierre-André Boutang, 104 mn
A propos de Jean Rouch. Conversation Bernard Surugue Patrick Leboutte.
Le double d’hier a rencontré demain, un film de Luc Riolon et Bernard Surugue, 2004, 10 mn
Les veuves de 15 ans, un film de Jean Rouch, 1965, 24 mn

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Il y a un peu plus d’un an, Jean Rouch, ethnologue et cinéaste, réalisateur prolifique de plus de 140 films, décédait dans un accident de voiture sur une route du nord du Niger. Pour commémorer cette tragique disparition, les Editions Montparnasse publient un très dense coffret de quatre DVD, tout simplement intitulé Jean Rouch.

Proposant onze heures de programmes de et sur Jean Rouch, ce coffret est organisé autour de cinq thèmes. Le premier, Ciné-Transe, regroupe trois films ethnographiques sur les rites de possession, dont l’admirable Les Maîtres fous (1956). Ce film fait scandale lors de sa projection à l’une des premières réunions du film ethnographique au Musée de l’Homme et est même interdit en Afrique. Jean Rouch prend alors conscience de l’importance de ses films. Dans la même catégorie, se trouve aussi l’étonnant Les tambours d’avant, plan-séquence de neuf minutes, qui était à l’époque la durée maximale de bobine qu’il était possible de charger dans la caméra utilisée.
Le deuxième thème, Ciné-Conte, offre deux documentaires sur la chasse au lion : La chasse au lion à l’arc (1967), dont le tournage s’est étalé sur sept ans, et Un lion nommé l’Américain (1972). Le troisième, Ciné-Plaisir, présente les fictions qui ont fait de Jean Rouch l’un des fondateurs de la Nouvelle Vague : Moi, un Noir (1959), prix Louis Delluc, et Jaguar (1967). Avec Ciné-Rencontre, c’est la facette plus militante de Rouch qui est mise en avant : La Pyramide Humaine (1961), fiction anti-raciste, et surtout le surprenant Petit à Petit (1971) dans lequel le héros, Damouré Zeka, vient faire une étude ethnologique de Paris et des parisiens. Enfin, Ciné-Rouch se propose, au travers notamment d’un entretien de Rouch avec le réalisateur Pierre-André Boutang et d’une conversation à propos de Rouch entre Bernard Surugue et Patrick Leboutte, de mieux saisir qui était cet homme et ce qu’il a apporté au cinéma, documentaire comme de fiction. Cet ultime DVD s’achève sur Les Veuves de 15 ans, film en noir et blanc tourné à Paris, et considéré par Rouch comme son film le moins libre. Voici donc exposée toute la richesse et la diversité de l’œuvre du cinéaste.

Ce que l’on retient en premier de ce foisonnement d’images, c’est l’invention d’un art de filmer novateur où tout est improvisé, d’un cinéma-vérité : la mise en scène est faite en direct - Rouch n’a écrit qu’un seul scénario pour toute son œuvre-, le montage est instantané, les dialogues et commentaires inventés au fur et à mesure, et souvent enregistrés en une prise - ce qui est notamment le cas pour Moi, un Noir -, la mobilité de la caméra est totale, le film est parfois tourné en temps réel dans son intégralité. On prend ainsi conscience de l’impact que les évolutions techniques ont eu sur l’apparition du cinéma direct, avec notamment la possibilité réelle d’enregistrer le son synchrone grâce aux premiers micros-cravate dès 1960. Cet élément prend toute sa valeur au regard des dates auxquelles ont été tournés les différents films.
On découvre également l’instigation de « règles » d’un cinéma ethnographique : musique employée avec parcimonie pour éviter son effet « cellophane » (dixit Rouch), importance d’utiliser la couleur et de filmer à la première personne.

La discussion de Rouch avec Pierre-André Boutang constitue l’un des documents les plus précieux de cette édition. C’est au cours de cette causerie qu’il développe une réflexion sur son art, sur son rôle de catalyseur de l’action de par sa présence avec la caméra, sur son interaction perpétuelle avec les filmés. Cet entretien exceptionnel lui permet également de parler de la proximité de sa démarche avec celle des surréalistes : après tout, un rite de possession c’est un peu ce que cherchaient à provoquer les surréalistes avec le rêve éveillé…

Considéré comme le père fondateur du cinéma au Niger, Rouch instaure une ciné-démocratie avec l’idée, via la Fondation des Ateliers Varan, d’ouvrir le cinéma aux illettrés. Il est alors conscient que le cinéma est un moyen unique de témoigner du patrimoine des civilisations à culture orale et de le sauvegarder.

L’un des autres points forts de ce coffret est de mettre en perspective des documentaires réalisés par un seul homme sur près de vingt ans, faisant du spectateur actuel le témoin de quelques uns des bouleversements qui ont frappé l’Afrique après les années 1950 : on passe des traumatismes entraînés par la colonisation de ce continent (Les Maîtres fous) aux difficultés économiques de pays au bord de l’indépendance (le Niger, la Côte d’Ivoire) et frappés par le chômage et les mouvements de population qui s’ensuivent (Moi, un Noir ; Jaguar).

Ces neuf documents permettent de constater la diversité des thématiques et des modes de traitement abordés par Rouch : à la fois sociologue (Les Veuves de 15 ans), ethnologue (Un lion nommé l’Américain) et poète (La Pyramide Humaine).
Dans cette optique, on appréciera les viatiques de Bernard Surugue, véritables « Invitations au voyage », qui expliquent de manière claire et concise les contexte et perspective dans lesquels ont été réalisés les films de chaque thématique.
Deux regrets (minimes) pour cette édition cependant : que l’entretien avec Pierre-André Boutang ne soit pas divisé en chapitres, comme le sont les films, ce qui aurait facilité l’accès à certains propos, et que Bataille sur le grand fleuve - pourtant maintes fois évoqué au cours des divers entretiens de Ciné-Rouch - ne soit pas présent dans ce coffret, remarquable par ailleurs.
Grâce à onze heures de programme, le spectateur assiste à la naissance d’un art nouveau, à la frontière du documentaire et de la fiction, d’un cinéma militant. Elles constituent en cela une magnifique leçon de cinéma qui a, depuis, fait des émules (la programmation du dernier bilan du film ethnographique en est une preuve irréfutable, avec notamment Plan séquence d’une mort criée – 62’, dans la continuité directe des Tambours d’avant).

Ce que l’on (re)découvre avec plaisir au travers de ce coffret, c’est un continent, l’Afrique, et surtout l’histoire d’un homme admirable, militant - souvent, anarchiste - à certains moments, scientifique - certainement, et poète qui a consacré sa vie aux sciences de l’Homme. Indispensable.


Coralie Vincent
( Mis en ligne le 25/04/2005 )
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