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Toni Negri, Des années de plomb à “Empire”
avec Pierre-André Boutang
Editions Montparnasse 2004 / 25 € - 163.75 ffr.
Durée film 156 mn.
Classification : Tous publics |
Sortie Cinéma France, 2004
Version : DVD 9 / Zone 2
Format image : 4/3
Format audio : Français, Mono
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Antonio Negri, professeur en sciences politiques et auteur de nombreux ouvrages socio-économiques, est aussi un révolutionnaire marxiste convaincu.
Autrefois soupçonné d’être le théoricien des Brigades Rouges, il devint le symbole des « années de plomb » italiennes de la décennie 70, marquées par des grèves illimitées dans les usines, des manifestations réprimées dans le sang et des attentats terroristes meurtriers.
Toni Negri fut surnommé par ses ennemis « il cattivo maestro », le mauvais maître : un homme capable de donner aux ouvriers italiens l’argumentaire et la justification théorique de leurs combats face aux patrons et l’Etat.
En 2000, il publie Empire, la nouvelle bible des altermondialistes après No Logo, un livre qui décortique les évolutions de notre monde en y préfigurant celles du monde de demain. Ce livre, traduit dans des dizaines de langues et vendu à des millions d’exemplaires, se propose d’expliquer les grands enjeux du système capitaliste mondial actuel et futur, tout en donnant les moyens de le contrer.
Toni Negri a connu la fièvre révolutionnaire, la prison, l’exil, puis aujourd’hui la reconnaissance de ses pairs et d’un large public. Personnalité complexe, entière et mystérieuse, il fascine et captive le spectateur par ses raisonnements et la rhétorique discursive qu’il manie à la perfection, même en français.
Ce documentaire, découpé en trois parties chronologiques, nous fait découvrir la vie de Negri, de ses années enflammées de militant et penseur d’extrême-gauche, jusqu’à l’analyse de son livre Empire, en passant par sa longue période en prison et son exil forcé.
Diffusé sur Arte il y a quelques semaines, il sort à présent dans ce DVD témoignage, comme une trace de notre fin de 20ème siècle fixée sur le disque, comme une partie de notre histoire commune de luttes et d’affrontements idéologiques entre deux conceptions du monde en désaccord profond : celle du capital contre celle de la multitude, celle de la concentration des pouvoirs et des richesses contre celle de la diversité et de l’échange global entre non pas des peuples, mais des multitudes de singularités que sont les êtres humains.
Ce film a cependant les défauts du genre qu’il s’impose : c’est un tableau très complet qui brosse une palette large de tout ce qui s’est passé en Italie ces quarante dernières années, mais qui ne propose pas de contre-feux, d’alternative aux discours et aux affirmations de Negri ; on est là dans le portrait d’un homme, dans l’explication de son passé, dans l’illustration de l’évolution de sa pensée révolutionnaire et philosophique.
De plus, la sécheresse de la mise en scène (très peu d’images d’archives, des plans fixes sur les ouvrages de Negri ou sur les extérieurs de sa maison pour créer des transitions, une constante focalisation sur l’homme en gros plan ou en plan moyen) nous resserre uniquement sur le verbe, sur les paroles de Negri et sur son raisonnement.
Il faut accepter l’exercice pour ce qu’il est : ce n’est pas un documentaire polémique qui cherche à savoir si Negri a raison dans ses analyses ou s’il est effectivement responsable des années de plomb italiennes, c’est plutôt le témoignage d’un homme qui a joué un rôle prépondérant dans la vie politique et sociale de son pays, et qui a vécu des expériences dont peu d’hommes peuvent répondre.
En cela, et en ce qu’il ouvre comme pistes de réflexion sur le monde dans lequel nous vivons, ce film est à voir absolument, que l’on soit d’accord avec les idées de Negri ou pas.
Le visionnage du documentaire est à compléter par la lecture d’Empire, pour cerner et digérer encore plus profondément ce que le philosophe et homme de terrain qu’est Negri veut transmettre à la « multitude » que nous sommes.
Matthieu Charter
( Mis en ligne le 22/12/2004 )
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