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L’Abécédaire de Gilles Deleuze
avec Pierre-André Boutang, Gilles Deleuze, Claire Parnet
Editions Montparnasse - Regards 2004 /  45  € - 294.75 ffr.
Durée DVD 453 mn.
Classification : Tous publics

Version : 3 DVD 9, Zone 2/PAL
Format image : 4/3 couleur
Format audio : VF mono

Bonus
« Qu’est-ce que l’acte de création ? » (durée 47 mn), conférence à la FEMIS en mars 1987
« Accès par le milieu », une lecture alternative de l’Abécédaire

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Tourné à la fin des années 80 mais diffusé seulement en 1996, après la mort de Gilles Deleuze, le fameux Abécédaire sort enfin en DVD et l’on ne peut que s’en réjouir, tant ce document reste original et passionnant 15 ans après sa réalisation. Son principe est celui de l’entretien orienté, mais d’une manière inédite : pendant sept heures et demi, le philosophe disserte à partir des mots que lui propose, dans l’ordre alphabétique, son ancienne élève Claire Parnet. De « A comme Animal » à « Z comme Zigzag », Deleuze parle de sa vie, de sa conception de la philosophie et de bien d’autres choses. Les thèmes se croisent, reviennent sous d’autres angles ou se mélangent, nous donnant à voir une pensée au travail. Et pas n’importe laquelle : celle d’un philosophe qui avait l’art de captiver son auditoire par son enthousiasme et la clarté de son discours. La preuve, c’est que malgré la longueur de l’entretien, on ne s’ennuie jamais et l’on réfléchit joyeusement.

Le secret de Deleuze ? Une approche différente, à l’opposé des discours abstraits habituels. Pour lui, la philosophie n’est pas une affaire de spécialistes, elle part de problèmes absolument concrets et se mêle naturellement à notre vie quotidienne, c’est pourquoi elle doit rester accessible à tous, autant que n’importe quel art. Car il s’agirait bien d’une sorte de création artistique, le philosophe fabriquant des concepts de la même façon qu’un musicien crée des mélodies ou qu’un mathématicien des fonctions. Pour Deleuze, il n’existe aucune différence fondamentale entre tous ces domaines où l’esprit humain invente, et la philosophie n’aurait rien à voir avec la recherche d’une vérité suprême. Mais elle peut en partie faire reculer la bêtise et la vulgarité, ce qui n’est déjà pas un mince exploit !

En plus de faire réfléchir d’une manière différente, Gilles Deleuze se montre souvent assez drôle. Sa sévérité envers les intellectuels qui passent d’un colloque à l’autre, les publicitaires qui pensent créer des concepts, les opinions communes ou la philosophie de Wittgenstein est d’une férocité jubilatoire. Il peut aussi nous faire voir le tennis autrement (en démontrant que Borg était une figure christique, tandis que John McEnroe avait tout de l’aristocrate) ou nous faire sentir que l’amitié entre deux personnes relève plus du charme que des idées (avec pour exemple le philosophe Michel Foucault, qui « changeait la densité de l’air » quand il entrait dans une pièce)… Et si soudain, l’ordre alphabétique agace, qu’à cela ne tienne : la rubrique « Accès par le milieu » permet d’entrer dans le discours du philosophe à partir de passages précis aux titres amusants : « Parler, plier, surfer », « Faire de la philo ou rien »… Quoi qu’il en soit, au bout de l’entretien, on aimerait bien l’écouter encore un peu.

En supplément, la conférence donnée par Deleuze à la FEMIS le 17 mars 1987, intitulée « Qu’est-ce que l’acte de création ? » nous en donne l’occasion. En cinq points (Avoir une idée au cinéma, Adapter un roman au cinéma, La dissociation voir-parler au cinéma, La société de contrôle et l’information, Résistance et création), il analyse ce qui relie la philosophie, le cinéma et les autres arts, et ce qui les sépare radicalement de l’information et de la communication. Sa conclusion est sans détour : l’œuvre d’art constitue un acte de résistance formidable, apparenté aux autres luttes humaines contre l’obscurantisme. Et la philosophie selon Deleuze participe pleinement à cette lutte sans fin.


Ludovic Ligot
( Mis en ligne le 12/04/2004 )
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