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La brute, la belle et la poule...
avec Luis Buñuel, Pedro  Almendariz, Katy  Jurado, Andres  Soler, Rosita Arenas
Films sans frontières - Films du siècle 2007 /  14.94   € - 97.86 ffr.
Durée film 81 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : 1952, Mexique
Titre original : El Bruto

Version : DVD 9/Zone 2
Format vidéo : 4/3
Format image : 1.33 (noir et blanc)
Format audio : Espagnol (mono)
Sous-titres : Français

Bonus :
- Livret critique

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

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Tourné entre Une femme sans amour (1952) et El (1953), L'Enjôleuse fait partie de la période mexicaine de Luis Buñuel. Certains films mineurs de grands cinéastes sont parfois de véritables ateliers de créativité, soit du potentiel déjà utilisé auparavant et que l’on retrouve ici ou là à l’état d’ébauche, soit aussi du potentiel que l'on retrouvera plus tard à une dimension plus élaborée dans leurs œuvres majeures.

Qu'on en juge avec l'histoire de ce film. Pour réaliser une opération fructueuse, Cabrera doit procéder à la démolition d'un vieil immeuble qu'il possède. Les locataires sont des ouvriers pauvres qui résistent aux mesures d'expulsion. Sur les conseils de sa femme Paloma, Cabrera fait appel à Pedro, un jeune boucher que son esprit simple, la rudesse de ses gestes et la force herculéenne ont fait surnommer El Bruto, la brute. Le colosse est chargé d'intimider les locataires les plus récalcitrants. Emporté par sa fougue, il tue le viel ouvrier Carmelo. Séduite par la carrure de l'assassin, Paloma devient sa maîtresse. Les amis de Carmelo attaquent El Bruto qui parvient à s'enfuir...

Non seulement, on retrouve le côté social (bidonvilles, pauvreté...) de Los Olvidados deux ans auparavant mais tout ce qui "fascine" le cinéaste concernant la nature humaine. Sur ce point, Luis Buñuel se fait fort sceptique. Étrangement, s'il vient bien du surréalisme français, il se détache de toute l'idéalisation et de tout le romantisme qui a miné le mouvement avant-gardiste. Son propos est plus en retrait. Ici par exemple, il n'y a nulle idéalisation de la femme : Paloma est une intrigante, emportée par la haine, dominée par ses pulsions, jalouse, prête à faire tuer ses rivales et son amant. A cet égard, elle est plus brutale et perverse que le personnage surnommée La Brute justement. Quand la féminité est plus terrifiante que la masculinité…

En contrepoint, l'autre femme, Mèche (Rosa Arenas), est un être plus innocent et virginal certes mais un être naïf qui découvre la vie ou qui n'a rien vécu encore. La vision du monde de Luis Buñuel est plus noire, et il n'y a nul lyrisme concernant l'être humain. De surcroît, la sexualité est souvent envisagée par le cinéaste comme quelque chose qui est plus proche du fardeau que d'une libération potentielle. Ce que confirmera son film suivant, El, l'histoire d'une jalousie obsessionnelle.

De même, ce qui n’arrange pas son affaire, le cinéaste ne fait pas dans l'idéologie : les pauvres ne sont pas envisagés comme des êtres purs et parfaits. Ils sont capables de tuer, de se venger et de mener une chasse à l'homme. Aucun fétichisme ici de la classe ouvrière ou des pauvres comme on le retrouvera aussi dans Viridiana (1961). L'homme surnommé La Brute est effectivement une brute (on pense au roman de John Steinbeck, Des souris et des hommes) mais une brute qui a aussi des délicatesses. Il est capable de s’émouvoir comme d’éliminer un être humain parce qu’on le lui a demandé… De l'autre côté, Luis Buñuel n'idéalise évidemment nullement les riches. Ils sont puissants et possèdent l'argent, prêts à exploiter leur prochain et à se servir de la loi pour parvenir à leur volonté de puissance. A l'inverse de la propagande, nous sommes ici dans la complexité et les nuances.

Le constat est sévère mais il n'est pas doloriste ou complaisant. Le cinéaste espagnol montre une situation complexe et un engrenage infernal. Le style de Buñuel est effacé et ne fait jamais dans l'exhibition. Il est même laconique dans la façon de traiter telle ou telle situation extrême, ne s'attardant pas, histoire de ne pas mettre le spectateur en position de voyeur. Luis Buñuel dit dans le livret qui accompagne le DVD : "Je ne suis pas contre la pornographie à condition qu'elle soit pratiquée en chapelle secrète, comme cela se passait autrefois. Je suis contre la vulgarisation et la mode de la pornographie. Il se passe la même chose qu'avec le terrorisme et la mode des bombes ; on pose une bombe contre n'importe qui, le curé, la voiture de Monsieur un tel, le jeune d'à côté. La pornographie cinématographique destinée à séduire le public et à gagner de l'argent me répugne."

Le film est certes une œuvre mineure dans l'œuvre de Luis Buñuel mais une œuvre attachante par le côté dépouillé qui la caractérise. Tout ce qui fait que Luis Buñuel est un grand cinéaste est là. Le rythme du film est rapide, efficace et dense, ne s’attardant pas en superflu. En une heure et vingt minutes, l'histoire est résolue. Le dernier plan (la poule noire qui regarde Paloma d'un œil coupable) porte certainement la marque de Luis Buñuel... La poule, un des animaux du cauchemar...

Un film rare à découvrir.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 11/01/2008 )
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