L'actualité du livre Vendredi 29 mars 2024
  
 
     
Films  ->  

Pour vous abonner au Bulletin de Parutions.com inscrivez votre E-mail
Rechercher un réalisateur/acteur
A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z
Films  ->  Drame  
A l'ombre des jeunes filles en pleurs
avec Kenji Mizoguchi
Opening 2004 /  49.99  € - 327.43 ffr.
Classification : Tous publics

Version : Zone 2/Pal
Format vidéo : 4/3
Format image : 1 :33
Format audio : Japonais, mono
Sous-titres : Français

Bonus :
La présentation de chaque film par le critique de cinéma, Noël Simsolo.
Deux films montage de Jean Douchet proposant une analyse filmique de certaines scènes des Contes de la lune vague après la pluie et de La Rue de la honte.


Titre : Mademoiselle Oyu
Avec : Kinuyo Tanaka, Nobuko Otowa, Yuji Hori
Durée du film : 90 mn
Durée du DVD : 92 mn
Sortie cinéma : 1951, Japon
Titre original : Oyu-sama

Titre : La vie de O-Haru, femme galante
Avec : Kinuyo Tanaka, Toshiro Mifune, Tsukie Matsura
Durée du film : 130 mn
Durée du DVD : 132 mn
Sortie cinéma : 1952, Japon
Titre original : Saikaku ichidai onna

Titre du film : Les Contes de la lune vague après la pluie
Avec : Masayuki Mori, Machiko Kyo, Kinuyo Tanaka, Sakae Ozawa
Durée du film : 92 mn
Durée du DVD : 134 mn
Sortie cinéma : 1953, Japon
Titre original : Ugetsu monogatari

Titre du film : Les musiciens de Gion
Avec : Michiyo Kogure, Ayako Wakao, Seizaburo Kawazu
Durée du film : 84 mn
Durée du DVD : 86 mn
Sortie cinéma, pays : 1953, Japon
Titre original : Gion Bayashi

Titre du film : La rue de la honte
Avec : Machiko Kyo, Ayako Wakao, Aiko Mimasu
Durée du film : 86 mn
Durée du DVD : 117 mn
Sortie cinéma : 1956, Japon
Titre original : Akasen chitai


Imprimer


Au générique de trois des cinq films, du deuxième coffret édité par Opening, réalisés entre 1951 et 1957, époque considérée comme l’âge d’or du cinéaste japonais, figure l’actrice fétiche de Kenji Mizoguchi, Kinuyo Tanaka. Cette comédienne, également l’une des rares femmes cinéastes au Japon, cousine de Masaki Kobayashi et mariée au cinéaste Hiroshi Shimizu, tourna avec les plus grands réalisateurs japonais tels que Yasujiro Ozu, Akira Kurosawa, Heisonuke Gosho, Mikio Naruse. Elle joua dans de nombreux films dirigés par son époux avant de devenir l’égérie de Mizoguchi, avec lequel elle collabora quinze fois en interprétant, entre autres, des rôles dans Les Contes de la lune vague après la pluie, Mademoiselle Oyu, La Vie de O-Haru, femme galante. Aux yeux de ce cinéaste elle incarna, mieux que quiconque, des victimes de la société machiste japonaise à travers différentes époques. Leurs relations se révélèrent assez ambiguës, d’ailleurs, le cinéaste réalisa L’Amour de l’actrice Sumako (1947) sur la liaison entre un metteur en scène et l’une de ses comédiennes. Kon Ichikawa tira, quant à lui, un film de la biographie de Tanaka, Une actrice (1987), en évoquant les rapports parfois tendus entre elle et Kenji Mizoguchi.

Au début de sa carrière, ce cinéaste japonais, l’un des plus connus et reconnus en occident, réalisa essentiellement des films de commande où sa créativité restait bridée par la censure. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre Mondiale qu’il put acquérir une réelle indépendance et exceller dans les portraits de femmes, de L’Amour de l’actrice Sumako (1947) à La Rue de la honte (1957). Son inspiration ne se limite pas à la tradition japonaise mais intégra également des apports des arts occidentaux. Cela était dû en parti à son intérêt précoce pour la peinture et le dessin qui l’ont poussé à suivre l’enseignement d’une école de peinture occidentale et à devenir illustrateur, avant de se lancer dans une carrière de réalisateur. Il prôna l’intrusion du réel, contrastant avec l’ensemble des codes qui figeait le cinéma japonais de l’époque, tout en développant des thèmes personnels, souvent autour de l’avilissement des femmes par la prostitution, et en imposant son propre vocabulaire cinématographique. Le raffinement des cadrages, même pour dépeindre des situations les plus sordides, associé aux références à la peinture occidentale, dont le cadre inscrit dans un autre cadre privilégié par des plans d’ensemble, s’allient à un symbolisme jamais appuyé et font de Mizoguchi, à l’instar d’Ozu, un cinéaste du détail. Les mouvements fluides de la caméra, ainsi que de nombreux travellings et plans-séquences, contribuent également à l’esthétisation de sa mise en scène.

Mademoiselle Oyu

Le style de Kenji Mizoguchi se met résolument en place à partir de Mademoiselle Oyu (1951), adapté de l’œuvre de Junichiro Tanizaki, Le coupeur de roseaux, datant de 1932. Le film commence par un panoramique sur la nature, sensiblement identique à celui qui débute Les Contes de la lune vague après la pluie, avant de s’intéresser aux humains qui la côtoient. L’harmonie de la nature, habituellement reflet de l’âme des protagonistes, intervient comme un contrepoint aux tourments internes des personnages. Le cinéaste opère donc de constants va-et-vient entre extérieur et intérieur, en jouant, notamment, avec l’espace ouvert des maisons traditionnelles japonaises.

Shinnosuke, charmé par son élégance et son raffinement, tombe éperdument amoureux de madame Oyu, Kinuyo Tanaka, mais leur union s’avère impossible car, étant veuve et issue d’une famille rigoriste, elle doit se consacrer à l’éducation de son fils. La sœur cadette d’Oyu, par abnégation et dévouement pour elle, se résout alors à épouser Shinnosuke pour ne pas séparer les deux amants. Ce drame cornélien aboutira aux différents sacrifices des trois héros face aux convenances d’un milieu bourgeois. Cela est symbolisé, notamment, dans la scène où Oyu convainc sa sœur d’épouser Shinnosuke, dont le cadrage commence par un plan d’ensemble pour se resserrer brutalement sur les deux personnages signifiant, ainsi, la voie sans issue de cette décision et l’engrenage de leur propre piège.

La vie de O-Haru, femme galante

Un an après ce film, Mizoguchi tourna à nouveau avec Kinuyo Tanaka, La vie de O-Haru, femme galante, d’après une nouvelle du XVIIe siècle de Saikaku Ihara, La vie d’une femme amoureuse. Cette œuvre, la préférée de Mizoguchi, a révélé son travail en occident en 1952, après qu’elle a reçu un prix à la Mostra de Venise. Elle est aussi considérée par le cinéaste Kon Ichikawa comme l’apogée de leur collaboration, raison pour laquelle il acheva l’histoire d’Une actrice sur une scène du tournage de La vie de O-Haru, femme galante, même si par la suite ils ont tourné encore ensemble Les Contes de la lune vague après la pluie et en 1954, L’intendant de Sansho et Une femme dont on parle.

Ce film consiste en un long retour en arrière où une prostituée vieillissante, O-Haru, interprétée par Kinuyo Tanaka, se souvient de sa vie. Fille d’un samouraï de la cour, elle a été déchue de son rang et exilée avec sa famille pour avoir aimé un homme de basse condition, Katsunosuke, interprété par Toshiro Mifune. Puis, après avoir été vendue comme courtisane par son père couvert de dettes, elle entama sa longue déchéance passant de désillusion en désillusion, d’infortune en infortune, se résumant à n’être qu’un objet sexuel exposé à la convoitise des hommes.

Le cinéaste filme avec un apparent détachement son acceptation des coups du sort et les jougs qui la contraignent, en montrant, comme le dit une nonne dans le film, que la destinée humaine ne tient qu’à un fil. Il suit les rebondissements de l’histoire et l’humiliation de l’héroïne qui conserve sa dignité jusqu’au dénouement le plus total bien que toute rédemption lui soit cependant interdite dans un monde où les femmes ne peuvent vivre que dans l’ombre des hommes. L’érotisme et la sensualité, se dégageant de nombreuses scènes en intérieur, sont suggérés par les silhouettes diaphanes des femmes éclairées à la bougie qui se dessinent derrière les cloisons des portes coulissantes et des paravents. Mizoguchi exploite, notamment, ce dispositif scénique, fait de jeux d’ombres et de lumière, dans une magnifique scène de vengeance avec un chat.

Les Contes de la lune vague après la pluie

Dans l’œuvre de Mizoguchi, comme dans les westerns, les femmes ne peuvent être que prostituée ou mère, mais quoiqu’il en soit, elles sont toujours victimes. Kinuyo Tanaka incarne cette fois, dans Les Contes de la lune vague après la pluie, le rôle d’une paysanne, mère et épouse, avec la même conviction que pour ses deux précédents personnages, O-Haru et Oyu, où elle interprétait avec élégance et retenue des femmes de haute condition.

L’action du film, Lion d’argent à la Mostra de Venise en 1953, se situe au XVIe siècle, dans la région du lac Biwa, à l’est de Kyoto, alors en proie à des affrontements claniques. Deux villageois, le potier Genjuro et son beau-frère, Tobei, décident de quitter leurs foyers par ambition et vanité l’un, pour être reconnu dans son art, et l’autre, afin de devenir samouraï. La guerre ne tarde pas se propager dans la province et le pillage du village précipite leur départ. Une scène de nuit dans un épais brouillard scelle alors le destin des personnages, embarqués pour fuir les exactions des soldats pillards du Japon féodal. L’intrusion du fantastique est inspirée par deux contes de Guy de Maupassant et surtout par le recueil d’Akinari Ueda, appartenant au genre littéraire du yomihon, Ugetsu monogatari, où la combinaison de la lune, à demi cachée, et de la brume après la pluie, favorise l’apparition des fantômes. D’ailleurs une mystérieuse princesse ne tarde pas à retenir captif, dans son palais, Genjuro qui, oubliant son fils et sa femme Miyagi, interprétée par Kinuyo Tanaka, est victime de ses propres illusions et prisonnier de ses fantasmes. Tobei, plongé dans la réalité de la guerre agit, quant à lui, avec cruauté, et, aveuglé par sa quête de pouvoir, abandonne sa femme qui, après s’être fait violer par des soldats, n’aura d’autre choix que de sombrer dans la prostitution. Les deux hommes ne comprendront leurs folies qu’en rencontrant le malheur. Mizoguchi, en mêlant fantastique et réalisme historique, dénonce une nouvelle fois l’exploitation des femmes dont la sagesse contraste avec la brutalité, l’égoïsme et l’aveuglement des hommes.

Les musiciens de Gion

Le thème de la prostitution est récurent dans l’œuvre de Kenji Mizoguchi. A travers cette aliénation et cet avilissement qui frappent les femmes, à l’instar de Jean-Luc Godard, grand admirateur du cinéaste japonais, il expose sa conception marxiste de la violence des rapports marchands et capitalistes qu’il applique aux relations humaines. Le cinéaste transpose également ce sujet à l’époque contemporaine avec un film de 1953, adapté de l’œuvre de Matsutarô Kawaguchi, Les musiciens de Gion, dont le titre renvoie au nom des musiciens, gion-bayashi, montés sur des chars qui jouent une musique caractéristique durant le grand matsuri, fête religieuse, annuel. Le quartier de Gion à Kyoto, assidûment fréquenté par Mizoguchi, est aussi célèbre pour ses geishas et maikos, les apprenties geishas de cette ville.

Les musiciens de Gion demeure un peu le pendant des soeurs de Gion, qu’il tourna en 1936 et marqua sa première collaboration avec son scénariste attitré, Yoshida Yoda, qui a écrit, entre autres, ceux des films proposés dans ce coffret, hormis celui de La Rue de la honte conçu par Masashige Narusawa. Avec Les sœurs de Gion, Mizoguchi s’engagea vers plus de réalisme pour narrer l’histoire de deux sœurs geishas qui adoptent une attitude différente vis-à-vis de leurs clients tout en ayant le même dégoût de leur métier. Le cinéaste pose un regard similaire, dans Mademoiselle Oyu, sur les liens entre deux sœurs condamnées à se conformer aux exigences de la société et aux codes rigides qui la régissent.

Dans Les musiciens de Gion, on retrouve également cette complicité féminine face à l’adversité. Eiko, une jeune orpheline, se rend chez une geisha, Miyoharu, une ancienne amie de sa mère décédée, pour fuir les assiduités de son beau-père. Elle la convainc de la prendre comme maiko. Après un an de formation à différents arts, elle obtient des engagements dans les maisons de thé mais refuse de prendre un protecteur. Malgré l’évolution de la société japonaise des pans d’archaïsme résistent, car les femmes sont toujours obligées de se plier aux lois du marché et d’accepter les volontés des clients influents et fortunés. Eiko se révolte entraînant inexorablement le sacrifice de sa tutrice. A travers cette analyse de deux générations de geishas, et de leurs attitudes divergentes face à la soumission, Mizoguchi s’est souvenu du sort de sa propre sœur qui fut vendue comme maiko dans le quartier des plaisirs de Kyoto.

La mise en scène, plus sobre que dans ses précédents films, offre peu de plans d’ensemble car l’espace se restreint pour piéger les personnages. Ici, à l’instar de beaucoup de ses films, les protagonistes se retrouvent filmés à travers les cloisons à claire-voie des fenêtres et des portes qui remplacent les barreaux d’une prison, métaphore d’une vie sans issue. Loin de toute nature, dans la ville aux ruelles étroites et à la perspective bouchée, le cinéaste ne filme plus les tourments de l’âme mais l’âpre réalité dans toute sa crudité comme il l’a également fait dans son dernier film datant de 1956, La rue de la honte.

La rue de la honte

Kenji Mizoguchi use du même dépouillement dans sa mise en scène que dans Les musiciens de Gion, et du même panoramique qui surplombe les toits de la ville, durant le générique, avant de s’engouffrer dans les intérieurs des habitations afin de filmer un condensé de la tragique condition humaine. Cependant, à l’inverse des Musiciens de Gion, dont le traitement était révélateur de l’hypocrisie de la société, car la prostitution se dissimulait dans les alcôves des maisons de thé réservées à des hommes respectables, La rue de la honte, comme le stipule le titre, expose dans toute son horreur le racolage dans un quartier chaud de la capitale. Mizoguchi, dans son dernier film, pressentait la fin d’une époque, car il fut tourné lorsque la diète débattait encore du sort de l’interdiction de la prostitution sous la pression des autorités de l’occupation. Les maisons closes, du quartier de Yoshiwara à Tokyo, sont devenues par la suite des salons de massage en 1958 quand la loi fut votée.

Le cinéaste suit les déplacements des personnages entre les espaces fermés des ruelles labyrinthiques sordides de ce quartier et le lupanar à la décoration kitsch, pour se concentrer sur le triste destin de cinq prostituées dont chacun des gestes traduit le désespoir et l’impasse de leurs situations. La musique dissonante, composé par Toshiro Mayuzumi, qui accompagne des geignements de femmes, annonce également la tension dramatique qui règne durant le film où tous les rapports humains sont soumis aux lois de l’argent.

Sur un scénario original de Masashige Narusawa, le cinéaste reprend son sujet de prédilection, à travers la vie de cinq péripatéticiennes aux caractères très différents mais dont le sort misérable, et la violence qui leur est faite, explosent avec plus de force et de brutalité que dans ses précédents films traitant du même thème, hormis les Femmes de la nuit (1948) qui reste comme son œuvre la plus sombre. Yumeko se sacrifie pour l’éducation de son fils qui n’aura qu’ingratitude et mépris à son égard ; l’avare et vénale, Yasumi, manipule les hommes pour pouvoir s’en sortir ; Mickey, lucide et très occidentalisée, est la seule qui ait choisi la prostitution pour fuir sa famille ; Yorie a pour unique rêve de retourner à la campagne et de se marier ; tandis que Hanaé, épouse et mère dévouée, s’occupe de son époux tuberculeux.

Quelques compléments s’adjoignent à ces cinq chef d’œuvres qui livrent de magnifiques portraits de femme bafouées à travers les siècles. Le critique de cinéma, Noël Simsolo, opère une très succincte présentation avant chacun des films tandis Jean Douchet propose une analyse filmique de quelques scènes clés des Contes de la lune vague après la pluie, qui est divisée en douze chapitres thématiques, et de La Rue de la honte.



Corinne Garnier
( Mis en ligne le 11/10/2004 )
Imprimer
 
SOMMAIRE  /  ARCHIVES  /  PLAN DU SITE  /  NOUS ÉCRIRE  

 
  Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
Site réalisé en 2001 par Afiny
 
livre dvd