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Films  ->  Grands classiques  
Rôle et identité
avec Kenji Mizoguchi, Shôtarô  Hanayagi, Kôkichi Takada, Gonjurô Kawarazaki
MK2 2007 /  49,99  € - 327.43 ffr.
Durée DVD 347 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : Japon, 1939
Sortie DVD : octobre 2007
Titre original : Zangiku Monogatari

Version : 4 DVD 9, Zone 2
Format vidéo : PAL, format 1.33
Format image : N&B, 4/3
Format audio : Japonais mono
Sous-titres : Français


Films du coffret :
- Contes des chrysanthèmes tardifs (1939)
- L'Elégie de Naniwa (1936)
- Les 47 ronins (1942, 2 DVD)

Bonus :
- Préfaces de Charles Tesson
- Scènes commentées par Charles Tesson
- Entretien avec Jean Narboni

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

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Après le coffret de l'éditeur Carlotta consacré au maître du cinéma japonais, Kenji Mizoguchi, voici celui de MK2. Le cinéaste commença sa carrière en 1923 avec Le Jour où l'amour revit et réalisa près de quatre-vingt-dix films, le dernier étant La Rue de la honte (1956). La dernière période consacra le cinéaste comme un immense artiste avec des films comme Madame Oyu (1951), La Vie d'O'Haru femme galante (1952), L’Intendant Sansho (1954), L’Impératrice Yang Kwei-Fei (1955), Les Amants crucifiés (1954), et bien sûr, Les Contes de la lune vague après la pluie (1953).

Avant cette somptueuse période, Kenji Mizoguchi a déjà réalisé soixante-cinq films en 1939, date à laquelle fut réalisé Contes des chrysanthèmes tardifs ! Ce n'est donc pas un amateur et l’on remarque que le cinéaste a déjà bâti toute son esthétique. Le sujet de Contes des chrysanthèmes tardifs est typique de Kenji Mizoguchi ; il s'agit ici du théâtre japonais à la fin du XIXe siècle (1885 très exactement). Les acteurs de kabuki constituent un corps de type féodal régi par un petit nombre de familles illustres. À Tokyo, Kikugorô Onoe V jouit d'une grande popularité. Son fils, Kikunosuke, devrait lui succéder mais le jeu de celui-ci est médiocre... Par crainte, étant donné la renommée de son père, personne n'ose ne lui dire. C'est Otoku, la bonne de la famille, qui va avoir le courage de le faire (chose fort rare !) et de l'inciter à cultiver son art afin d'être digne de ce nom. Une amitié proche de l'amour va lier Kikunosuke et Otoku, mais la famille, scandalisée de cette relation, renvoie Otoku.

Kenji Mizoguchi développe l'antagonisme qui est cher à ses yeux, celui entre la liberté de l'individu et les contraintes sociales (familiales ici). Il crée cette tension entre le drame que subissent les personnages et l'architecture rigoureuse de sa mise en scène. On retrouve ce qui fait le style et la majesté du cinéaste : rigueur du cadrage, sobriété du plan-séquence, composition sophistiquée et sensible de la scène unique, refus du gros plan, intériorité du jeu des comédiens. Il faut dire que sa mise en scène est très riche, preuve s'il en est qu'il ne sert à rien de s'inféoder aux modes. Les travellings latéraux d'une grande discrétion, la retenue avec laquelle le réalisateur compose ses plans donnent une charpente qui tient encore la route, si l'on ose dire, plus de soixante après.

Si le film s'inscrit dans la lignée de la tradition shinpa (productions mélodramatiques), le cinéaste évite le pathos et la scène la plus extraordinaire de ce point de vue est celle où Otoku, allongée, en train de mourir, parle à Kikunosuke qui est venu la voir. L'évitement du gros plan, la fixité du cadrage provoquent une émotion d'autant plus bouleversante qu'elle est distancée par la caméra. Kenji Mizoguchi poursuit donc coûte que coûte l'élaboration ou le peaufinement de son art et si son film est un poil trop long, il y a de quoi être enthousiasmé par son sens de l'épopée, par la noblesse des sentiments et des comportements qu'il tente de développer chez ses personnages.

Kenji Mizoguchi, avec une belle distance, pose l'équation existentielle majeure, celle de la différence qu'il y a entre la qualité réelle d'un être et celle qu'il a en fonction de sa notoriété. L'idée magnifique que développe le film est que l'amour ne peut naître que de celui ou celle qui est réellement différent de nous et qui nous acceptons pour ce qu’il est, ici en l'occurrence par le fait qu'Otoku ose dire à Kikunosuke que non seulement on lui ment en lui disant qu'il joue bien mais qu'elle-même ne le trouve pas excellent dans son rôle ! Or, c'est précisément cet aveu qui va donner à Otoku sa réelle distinction, son éclat amoureux, le fait qu'elle ose sortir enfin de la foule hypocrite et consensuelle.

En même temps, dilemme primordial, c'est ce problème épineux qui va révéler l'amour entre ces deux êtres, Otoku et Kikunosuke. Certes, non seulement l'amour, mais toute la dramaturgie de la vie et celle du film, avec la reconquête du héros dans son identité à travers un rôle de comédien de Kabuki. Étrange et beau paradoxe d’être à travers un rôle et à travers le perfectionnement de celui-ci : Kenji Mizoguchi indique que l’art est quelque chose de difficile, d’ardu, et qu’il faut se remettre cent fois devant sa copie. Il y a dans le parallèle établi entre la découverte de l’amour et l’âpre travail de l’artiste quelque chose de spirituellement fécond.

Plus de soixante ans après sa réalisation, Contes des chrysanthèmes tardifs nous parle d’un thème crucial, thème qui n’a pas changé, qui est toujours là, en nous, à portée de main, humain. Preuve certainement, et dans le fond, et dans la forme, que Contes des chrysanthèmes tardifs est un grand film et Kenji Mizoguchi, un réalisateur d’exception dont on peut apprendre et apprendre encore.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 03/11/2007 )
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       de Kenji Mizoguchi
  • Les Amants crucifiés/l'Intendant Sansho
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