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Les prostituées d’Edo…
avec Kenji Mizoguchi, Machiko Kyo, Ayako Wakao, Aiko Mimasu
Films sans frontières 2005 /  27.75  € - 181.76 ffr.
Durée film 82 mn.
Classification : Tous publics

Ce coffret comprend également L’Impératrice Yang Kwei Fei du même réalisateur

Sortie Cinéma, Pays : 1956, Japon
Titre original : Akasen Chitai

Version : DVD 9 / Zone 2
Format vidéo : 4/3
Format image : N/B
Format audio : Japonais (mono)
Sous-titres : Français

DVD 1 :
Film
L’origine du scénario (texte seulement)
Analyses critiques (texte seulement)

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Le film commence par un long plan fixe de la rue Yoshiwara (littéralement rue du quartier rouge, ou des prostituées) : un homme arrête sa bicyclette pour une livraison, puis repart, pendant qu’une femme, au premier plan, nettoie son pas-de-porte à grands coups de seaux d’eau. Puis succède à ce plan un autre, plus court et resserré, de l’entrée d’une maison : un panneau indique «Bienvenue à tous» en japonais, un autre en anglais, «off limits», est fixé au linteau de la porte. On entre...

Nous devenons alors les spectateurs d’une série de tableaux sur la vie des prostituées d’Edo, au milieu des années 50, au moment même où le Parlement débat d’une Loi interdisant la prostitution au Japon. Ce sujet est véritablement d’actualité dans le pays, puisque la Loi dont il est question dans La Rue de la honte fut réellement votée au Parlement deux mois après la sortie du film. Mizoguchi n’a pas l’ambition de porter un jugement sur la prostitution, il fait juste œuvre de cinéaste, sur un sujet contemporain, en nous présentant le destin et le quotidien de quelques-unes de ces femmes : Hanae, dont le mari malade a été licencié ; Yméko, qui fait ce métier dans le seul but d’offrir une vie décente à son fils resté en province ; Yori, qui veut rejoindre son fiancé dès qu’elle aura constitué sa dot ; Yasumi, qui voit la prostitution comme le premier échelon de l’ascension sociale ; et Mickey, adolescente rebelle, dont le surnom seul désigne sa source d’inspiration, puisée outre-atlantique, et qui veut choquer et peiner son père.

Qu’elles donnent d’elles-mêmes une image conforme à celle que l’on attend par tradition, avec le long kimono, le maquillage et la coiffe des geishas, où plus moderne, comme Mickey, habillée de pantalons moulants ou de jupes courtes à l’américaine, ces femmes ont toutes rejoint une maison close par nécessité. La nécessité de s’en sortir, dans un monde qui ne laisse que peu de choix aux femmes libres ou aux femmes seules, la nécessité de s’affirmer contre le pouvoir des hommes, dominants bien que faibles. Car, comme souvent chez Mizoguchi, les hommes sont d’une incroyable faiblesse : au mieux ce sont des lâches, prêts à se suicider pour ne pas faire face à leurs responsabilités, ou des imbéciles ; au pire ce sont des profiteurs.

Et pourtant, dans ce film, n’est-il pas question aussi d’amour ? De l’amour des amants l’un pour l’autre, d’une mère pour son fils, d’une fille pour son père… Toutes les générations sont conviées, celles d’avant la guerre, et celle d’après, qui ne voit certainement plus le monde de la même manière. Tout en montrant le monde clôt de la prostitution, Mizoguchi arrive à faire une description du Japon d’alors : celui des villes, en train de changer, avec les premiers néons à l’américaine qui illuminent les rues, et celui de la campagne, qui elle reste inchangée. Ces contrastes, générationnels, géographiques et culturels, sont saisissants. Et la maison close, qui accueille les femmes de tous âges (ou presque) et de toutes provenances, semble être une allégorie de ce monde composite. En montrant le quartier de Yoshiwara à Edo, c’est le Japon lui-même que Migozuchi nous montre. C’est d’ailleurs bien ce qui choque certains des critiques contemporains à la sortie du film. Cette image condensée de leur société est si réaliste qu’elle en est gênante. Car il y a dans La Rue de la honte une atmosphère étrangement proche de celle qui prédomine, à la même époque, dans les films européens de la nouvelle vague, où le réel prend le pas sur l’histoire.

Après les chefs d’œuvres des années 1953-1954, personne n’attendait de Mizoguchi un film aussi fort, car on estimait qu’il avait déjà épuisé toutes les ressources de son art. C’est peut-être ce qu’il y a de plus surprenant dans ce dernier film, terminé quelques mois avant sa mort : alors que Mizoguchi a déjà tout dit sur le monde, alors qu’il a déjà tout fait, le message principal de La Rue de la honte, s’il y en a un, c’est que tout est à dire… La dernière scène du film, certes triste et poignante, et qui a souvent donné lieu à des interprétations très noires de la prostitution, laisse malgré tout ouverte la réflexion.


Rachel Lauthelier-Mourier
( Mis en ligne le 18/04/2006 )
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