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Dossier PARIS
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Paris 1900
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Haussmann
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Les Grands Boulevards
Les Ponts de Paris
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Paris nostalgique
Daniel  Halévy   Pays parisiens
Grasset - Cahiers Rouges 2000 /  1.38 € -  9.01 ffr. / 288 pages
ISBN : 2-246-18582-3
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Les souvenirs d’hommes politiques, de penseurs, d’intellectuels, d’artistes sont généralement, en raison des récits, des propos drôles ou amusants qu’ils renferment, des projets littéraires promis au moins à un succès d’estime. Les lieux communs y voisinent fréquemment avec les anecdotes croustillantes et, toujours, quand leurs auteurs ont eu l’heur d’occuper des responsabilités sociales, culturelles ou simplement mondaines dans la capitale, ils contiennent, passage obligé, figure imposée ou exercice de style, une méditation sur Paris dont la qualité de la forme n’a souvent d’égal que l’inanité du fond. Ce n’est pas le cas des Pays parisiens, que publia pour la première fois Daniel Halévy – l’éditeur de Drieu La Rochelle, Malraux ou Mauriac – en 1931 et qui viennent d’être récemment réimprimés.

Derrière l’enchevêtrement des souvenirs d’enfance, Halévy décrit une ville composée à parts égales de lieux et de personnes. Les figures de Proust, qu’il côtoya au lycée Condorcet, de Degas, ami de la famille, de Péguy, dont il devint avant 1914 un collaborateur autant qu’un ami, s’emmêlent à celle des lieux dans lesquels il a vécu, Montmartre, la plaine Monceau, la rive gauche. Car au-delà de sa sensibilité littéraire, qui fait de son Paris une ville composée avant tout de sentiment, de sa judéité, Halévy décrit avec justesse plusieurs caractères du Paris d’alors. Ses mémoires, sans faire abstraction de leur valeur documentaire ou littéraire, sont une pénétrante réflexion sur la capitale au tournant du siècle.

Chez Halévy enfant, le quartier n’a pas d’existence, de personnalité collective liée à une population, de pittoresque qui permet d’identifier d’un simple coup d’œil ses rues, ses maisons, ses habitants. Ce Paris intériorisé est d’abord un ensemble de relations à des personnes comme à des métiers, qu’il voit ses proches y exercer. Tout déplacement, tout déménagement, devient une rupture, un exil, un départ vers l’inconnu. C’est un Paris vivant, aux visages familiers qui correspond à une structure particulière de la propriété et du travail, transparaissant en filigrane dans ses descriptions : jusque dans les années 1950, l’absence de copropriété tend à favoriser l’occupation familiale de la maison (qui n’a pas l’anonymat des "immeubles de rapport") ; de même, l’artisanat à domicile est longtemps resté un mode de production dominant dans la capitale. Les promenades hors de ce cocon sont un traumatisme, dans lequel l’inquiétude devient consubstantielle au déplacement du petit enfant dans la grande ville : il a besoin de trouver des repères, de comprendre son environnement. Dans le cas d’Halévy, ce sera par l’histoire et le savoir.

Jeune bourgeois, Halévy découvre aussi les frontières, les "barrières" du Paris d’alors. Comme beaucoup de ses contemporains, il participa au mouvement des universités populaires, abandonnant les raffinements littéraires de sa formation classique pour venir confronter l’universalisme de ses idées à l’anarchisme alors en vogue dans les faubourgs ouvriers. Et la rencontre ne manqua pas d’être piquante, même si son prosélytisme n’eut pas le rayonnement auquel il pouvait prétendre. À la candeur des débuts succède, après un maigre triomphe, un fatalisme désabusé : "je commençai de mesurer la vanité dérisoire de notre victoire. Qu’avions-nous obtenu avec beaucoup de peine ? Nous avions suscité, dans ce faubourg de la Chapelle, une nouvelle sorte de parisiens lettrés, [une poignée] d’orléanistes ouvriers, auxquels manquait très peu de chose pour être pareils à tels autres, abonnés depuis cent ans au Journal des débats. Toujours l’orléanisme, toujours le Journal des débats ; était-ce donc ma destinée ?".

Halévy décrit bien, au tournant du siècle, la barrière qui sépare deux Paris irréconciables, celui des arrondissements annexés en 1860, et celui de la culture, une barrière que la République, riche en scandales (Panama, Dreyfus…), divisée dès sa naissance autour de l’héritage de la Commune, n’a pas réussi à mettre à bas et que seule la guerre de 1914 réussira à faire tomber. 1918 fait apparaître chez Halévy, le découvreur français de Nietzsche, une mystique de la France, venant dépasser les lacunes de la République, qu’on retrouve aussi chez Barrès, ou, à un moindre degré chez Robert Garric, cet autre promeneur parisien, ami de Daniel Halévy. Qui sait si le général De Gaulle, descendant vainqueur les Champs-Elysées le 25 août 1944, avait en mémoire le "Paris changeant, Paris désolé, Paris attristé" ainsi personnalisé par Halévy durant la première guerre mondiale ?

Le Halévy âgé médite sur la mort des hommes, qui est aussi celle de leurs coutumes, de leurs lieux de vie, de leur quartier. À Paris, engagé à la fin du siècle dans la redoutable uniformisation (post) haussmannienne jusque dans ses faubourgs les plus reculés, il est rare qu’un quartier survive à ses habitants. Le cimetière de Montmartre, antique cimetière villageois où Halévy espère trouver le repos, a été recouvert d’un pont de fer et de béton, paradoxal hommage au Milanese, Stendhal, poursuivi jusque dans la tombe par l’ineptie administrative. Au monde des idées, des impressions, des sentiments qu’il vante, au "rêve" du narrateur de la Recherche, s’oppose l’impénétrable "nécessaire" (p. 272) des bureaucrates dans lequel il ne veut voir, dans cet ouvrage tout plein de la chaleur du souvenir, que l’ expression d’une "fatalité qui avilit les villes". Le quartier du Paris ancien, matérialisation d’un lien social pour le Halévy de l’âge mûr, s’oppose aux beaux (?) immeubles qui composent "la rue, œuvre manquée des bureaucrates, des médiocres élèves d’Haussmann".

Car Halévy ne peut laisser s’évanouir sans protestation une ville intimement liée au souvenir de sa famille, et décrivant le devenir de la capitale, il utilise la même encre que pour ses réflexions pénétrantes et militantes sur La France des notables, La République des ducs, La République des comités. Puissent les Pays parisiens parvenir, dans le cœur des historiens de Paris, au même statut que ces monuments de l’histoire de la IIIe République, ils le méritent…


Jean-Philippe Dumas
( Mis en ligne le 11/01/2001 )
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