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Palerme d’amour et de haine...
Vincenzo  Consolo   Jean-Paul  Manganaro   Le Palmier de Palerme
Seuil - Cadre vert 2000 /  2.28 € -  14.96 ffr. / 159 pages
ISBN : 2020374196
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"Palerme est fétide, corrompue. Dans la ferveur de ce mois de juillet s’exhale d’elle une odeur douceâtre de sang et de jasmin"… Ces qualificatifs, peu élogieux convenons-en, on les trouve en fin de roman sous la plume du dernier héros de Vincenzo Consolo. C’est pourtant par eux qu’il faut commencer si l’on ne veut s’égarer à la lecture de ce bref texte.

Fidèle à sa réputation de penseur sans compromis, l’auteur n’y va en effet pas de main morte avec la Sicile, sa patrie et la matrice de son oeuvre. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’emprunte pas différents chemins pour dresser un portrait au vitriol de cette mythique contrée, défigurée chaque jour davantage par les mafieux. Ainsi donc, "conjuration, contagion et peste en tout temps", tel est le lot de la cité que domine le Sacromonte, selon Chino, qui souligne également à propos de l’île incriminée : "Sa bien-aimée, celle qu’ il haïssait".

L’amour, la haine ; la beauté, la misère. Ces couples funestes traversent de part en part l’ouvrage. Ils sont de fait les catégories par le biais desquelles un enfant se trouve confronté pendant la Seconde Guerre mondiale à la bestialité des hommes. Inhumain comportement des êtres qui perdure une fois le conflit "officiel" achevé, et qui, sous les yeux d’un Chino, alias Gioacchino Martinez, devenu adulte, incarnent le destin de la Sicile, et plus particulièrement de Palerme.

S’ensuivent alors les dénonciations du mensonge, de la lâcheté ordinaire, du "fascisme invétéré" et du "marasme" sicilien. Mais aussi, de "l’ingérence de la prêtraille" et de la "mafia d’Etat". Ayant en ligne de mire tour à tour "l’empire de l’information, l’invasion du compte rendu, la disparition de la mémoire" rabougrie par l’utopisme des lois, Vincenzo Consolo, qui ne mâche pas ses mots, loin s’en faut, en a donc après le délabrement politique et moral d’une île dont la beauté contraste avec les exactions quotidiennes qui y ont lieu. De même qu’il vilipende ouvertement la génération de l’après-guerre qui n’a pas su (voulu ?) faire face à la reconstruction possible et offrir l’avenir qu’ils méritaient à ses enfants.

Voici, en la matière, le conflit qui ne cessera d’opposer l’écrivain Chino, impossible militant des lettres, à son fils Mauro, idéaliste étudiant en philosophie condamné à l’exil pour s’être insurgé contre l’Etat et avoir rêvé de jours meilleurs… Entre ces deux hommes que tout sépare hormis la haine de la résignation, l’intimité n’est représentée que par l’intervention salutaire des femmes : Lucia, épouse de l’un, mère de l’autre, qui devient folle à cause de l’enfermement agressif sous toutes ses formes qu’elle subit dans l’île. Daniela, qui soutient la cause de Mauro, son mari, et devra s’échapper avec lui de Palerme au nom de ses idéaux révolutionnaires.

D’un bout à l’autre de ce récit teinté du pessimisme le plus acide, on échappe rarement à l’obscurité du "marabout", cette citerne ensevelie jouxtant dans les terres de Rassalèmi la ferme du père de Chino, lequel y trouvera la mort, avec la mère de Lucia. Symbole d’une fuite sans espoir, d’une lumière à jamais aliénée par la sempiternelle barbarie des autres, le marabout, qui est aussi le repaire secret de Chino enfant vaut pour une certaine image de la Sicile : celle du confinement, de la violence, d’une liberté qui ne s’obtient que dans le trépas ou la folie. Il est vrai en un autre sens que Chino symbolise par bien des aspects ce personnage menant une vie mi-ascétique mi-contemplative qui définit aussi le marabout.

Mais puisque seule la férocité, accompagnée par la violence, l’emporte à Palerme, les choses ne peuvent être formulées aussi simplement. L’état des relations confinant au mutisme du père et du fils, l’effacement progressif de Lucia de la réalité ne se font jour qu’en retraçant les malheurs qui vont s’abattre sur la maison de Palerme où Chino a vécu après la mort de son père. Là où, dans le superbe jardin botanique de son oncle, un superbe palmier incarnait la paix. Avant que la mafia ne s’en mêle…

Encore ces mésaventures aussi bien familiales, politiques qu’immobilières sont-elles entremêlées dans le corps du récit avec des réminiscences du film Judex de Feuillade, où Chino voit se dessiner la figure d’un justicier de légende qui l’accompagnera tout au long de son existence, entre fiction et prosaïsme. Ce à quoi s’ajoute, ultime défi de la culture à l’abrutissement de l’intérêt, de multiples renvois aux grands auteurs littéraires (T.S. Eliot, Mallarmé, Cervantes, Borges par exemple). Sans oublier les poètes ou romanciers italiens sans lesquels la vie de l’écrivain –Chino ou Consolo ?– n’aurait pas de sens : Dante, Leopardi, d’Annunzio, Calvino, Moravia, Montale, Sciascia, Manzoni. Autant de plumes fédérées ici par Consolo dans une insuppressible armée des ombres : "les sentinelles du gouffre, les témoins de l’affaissement, les rescapés de la défaite".

Tous ceux ayant anticipé sur le mouvement de destruction des choses, du nivellement banal et "tennologique" (contraction de la tennistique et de l’idéologique !) du train de vie. A l’image de la Chute du Christ sur le chemin du Calvaire peint par Raphaël pour orner à Palerme l’église Sainte-Marie-des-Douleurs (Santa Maria dello Spasimo), Chino est finalement voué à affronter la croix du présent en retournant en Sicile, où il fut si heureux avec Lucia. Mais il n’y rencontrera tout au plus que la douleur du monde, la souffrance de la Sicile qui donne son titre original au récit de Consolo : Lo Spasimo di Palermo.

Il faut préciser pour le lecteur que ces diverses strates sont amalgamées d’emblée dans le roman, bouleversé de surcroît par les flash back de la vie de Chino dans un constant dialogue entre passé et présent. Tel quel, l’ensemble reçoit une configuration claire –voire humaniste- à la fin de l’ouvrage mais malmène celui qui se risque sans un bagage minimal dans ces pages. Les allusions récurrentes au paysage et au patrimoine siciliens participent aussi de l’exigence dont fait montre Consolo dans une histoire où la brièveté ne saurait aucunement masquer la densité. N’est-ce pas toute l’Italie qui est convoquée devant le tribunal romanesque quand à la porte de Chino un juge intègre pourchassant les criminels en tous genres, avatar de Judex enfin retrouvé, est assassiné ? Preuve en est que Palerme n’est pas le siège de la diké, qui désigne la justice chez les Grecs, mais s’affirme au fil des pages comme la résurgence de Dité : ce que Dante qualifiait autrefois comme la cité infernale même, et dont Consolo nous apprend aujourd’hui que Dieu s’est absenté pour toujours.

Malgré ces difficultés, l’auteur du Palmier de Palerme parvient à démontrer avec éclat à quel point il est difficile à un orphelin d’élever un enfant. A une nation, de se purger de ses miasmes terroristes. Un vibrant hommage "à toute une génération réduite en cendres par un pouvoir criminel", aux exilés de tous pays et aux "rescapés d’un temps d’espoir". Mais qui n’efface pas de notre mémoire qu’ici-bas, il n’y a ni Eden ni justice.


Frédéric Grolleau
( Mis en ligne le 02/04/2001 )
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