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Un et demi
Mark  Slouka   Deux
Grasset 2003 /  3.19 € -  20.90 ffr. / 373 pages
ISBN : 2246638917
FORMAT : 14 x 23 cm

Titre original : God's Fool - Traduit de l'anglais par Dominique Peters.
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Pour son premier roman, Mark Slouka, professeur de creative writing à l'université de Columbia, s'est attaqué à l'histoire – vraie – de Chang et Eng Bunker, les deux premiers frères siamois « officiels » de l'Histoire.

Le récit élaboré autour de ces deux garçons, qui resteront attachés de la naissance à la mort, est fidèle à leur biographie : une enfance heureuse dans les années 1810, dans un village de pêcheurs au bord du Mékong; l'arrachement à la terre natale par deux aventuriers britanniques, trafiquants d'opium et imprésarios véreux, qui les exhibent à travers l'Europe ; la désaffection progressive du public, puis la déchéance et l'errance dans les taudis de Londres ; le sauvetage – en est-ce vraiment un ? – par un émissaire du grand Barnum, qui les emmène en Amérique et les fait entrer dans sa troupe de curiosités humaines ; l'émancipation enfin de Chang et Eng, qui, devenus des hommes, s'installent comme fermiers en Caroline, épousent deux sœurs et engendrent une nombreuse progéniture.

Cette fidélité à la réalité n'est évidemment pas le propos du roman, qui veut aller au-delà de la biographie romancée. «Parler d’un monstre, dit Slouka dans une adresse au lecteur ne m’intéressait pas. Je voulais écrire l’histoire d’un homme, d’un père, d’un amant, d’un mari – qui se trouvait piégé, par un caprice de la biologie et du destin, dans une situation particulière… je voulais écrire une histoire d’amour.» Cet homme, ce père, cet amant, ce mari, ce sera Chang. Une seule voix raconte : la sienne. C'est à travers ses émotions à lui, sa seule vision des choses, que nous sommes invités à partager les destins liés des deux frères. Eng n'a pas voix au chapitre. Toujours présent – et pour cause – mais jamais invité à partager directement ses impressions, il reste la face cachée de cette lune particulière.

L'entrée dans le roman est difficile. D’emblée, Mark Slouka nous plonge plus qu'il ne nous convie dans un univers de noms, de lieux et de souvenirs dont nous n'avons pas les clés. Dans cette succession de chapitres courts, allusifs, où les digressions et les sous-entendus se répondent, on est d'abord un peu perdu.

Puis les chapitres s'allongent en même temps que le rythme se pose. Dans une composition très élaborée et souvent remarquable de finesse, l'histoire, les personnages, prennent corps. Empruntant largement au langage des sens, avec une prédilection pour les odeurs et les couleurs (Le brun Mae Klong, turgide et mûr. Le soleil. L'odeur fétide particulière – essence de l'enfance, pas désagréable – de l'eau, des déchets et de ce qui s'était noyé dans les racines), Slouka peint un tableau vivant du Siam, du Paris et du Londres du 19e siècle. Et par la voix d'un Chang qui se révèle, nous aide peu à peu à franchir la cap hermétique des premières pages.

Plus loin, et dans un autre registre, le style de Slouka donne toute sa mesure avec la description des mécanismes de l'âme humaine. L'attirance morbide des publics occidentaux pour la monstruosité physique des deux corps attachés est notamment l’occasion de trois pages remarquables : «Tous les soirs, jour après jour, ils venaient, remplissaient les salles de cette odeur de bière et de sueur humaine, déterminés, comme des enfants qui poussent d'un bâton la carcasse d'un chien, à se faire peur. Nous étions leur pêché et nous étions leur absolution […] Bien que très jeunes encore, nous comprîmes la leçon : adulation et répulsion pouvaient jaillir de la même source, les louanges excessives marchaient main dans la main avec les condamnations sans appel.» Et tout au long du roman, au détour des pages, d'autres moments de plaisir littéraire se glissent, pour être dégustés.

Si le livre retient l'attention et séduit même par la beauté de son écriture, il laisse un sentiment de frustration, d'inachevé. Comme si l'histoire romancée de Chang et Eng était trop littéraire justement, plus une affaire de style que de tripes. Un beau roman, élaboré, mais qui ne réussit pas à provoquer une véritable émotion. Slouka voulait écrire une histoire d'amour. Il n'est pas sûr que le pari soit totalement gagné. Peut-être le livre souffre-t-il finalement de ne marcher que sur une seule jambe, aussi solide soit-elle ; son style, de ne parler que d'une seule voix, celle de Chang. Peut-être eût-il fallu que Eng s'en mêle. Il manque presque une petite moitié à ce Deux.


François Gandon
( Mis en ligne le 15/09/2003 )
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