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Jérôme/Textor
Un entretien avec Amélie Nothomb - auteur de Cosmétique de l'ennemi
2001 /  3.19 € -
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Parutions.com : Pourquoi ce titre Cosmétique de l’ennemi ? Avez-vous joué sur les deux sens du terme ?

Amélie Nothomb : En effet, j’aime jouer sur les différents sens d’un mot. Quand on y réfléchit, le mot qui signifie "se faire belle" a pour origine la notion aristotélicienne de l’ordre du monde. Cela me plaît beaucoup. Il existe un lien profond entre les deux. Cela ne peut être une bévue de l’étymologie. Il y a un rapport entre ce titre et les personnages : l’un des personnages a une conception assez janséniste de la prédestination. Il est prédestiné à rencontrer sa victime, à être le coupable face à elle. Il y a pour lui une cosmétique de la culpabilité. Même sans avoir commis un crime son destin est d’être coupable. Ce qui correspond pour lui à un ordre du monde très profond. Dans Crime et châtiment, le crime entraîne le châtiment.

Parutions.com : Quelle a été l’origine de ce livre ?

Amélie Nothomb : Sa genèse a été nébuleuse. Un soir, je marchais dans la rue, j’étais très en colère, je criais dans ma tête : "Libre ! Libre ! Libre !" J’ai éprouvé une impression de décomposition et je suis tombée enceinte de ce livre. Avant la page quatre, j’avais besoin de mettre les choses au clair.

Parutions.com : Pourquoi ce lieu, une salle d’attente dans un aéroport ?

Amélie Nothomb : Nous ne sommes jamais dans le vide, là, le personnage est prisonnier par ce retard d’avion. C’est une situation infernale car on se sent livré à soi-même. La salle d’attente d’un aéroport avec retard d’avion pourrait bien être l’antichambre de l’enfer.

Parutions.com : Pourquoi cette forme en dialogue ?

Amélie Nothomb : La forme s’impose. C’est celle qui convenait. Je ne connais pas de forme qui ressemble plus au flux de la pensée.

Parutions.com : Quel est le sens de ce long dialogue ?

Amélie Nothomb : Le premier personnage est perdu dans ses pensées, quelqu’un intervient et va se jouer un drame de conscience. C’est une histoire sur le thème de la culpabilité. Thème énorme pour moi. Si je suis hyper féconde, c’est que j’ai un problème de culpabilité gros comme une maison. Et ne me demandez pas quel crime j’ai commis ! Il n’est pas nécessaire d’avoir fait une mauvaise action pour culpabiliser. Les gens qui ont des choses à se reprocher, ne souffrent justement d’aucune culpabilité ! Et ce sont de pauvres innocents de mon espèce qui ont une culpabilité monumentale…Puisque j’en arrive à trente-trois ans à terminer mon quarantième manuscrit, ce qui n’est quand même pas normal, pas étonnant que ce soit moi qui traite ce thème ! Le livre est sur le thème du "Je". Rimbaud a écrit "je est un autre", cela fait longtemps qu’il l’a dit mais visiblement personne n’en tient compte. D’un point de vue romanesque, je n’en connais pas beaucoup qui se sont penchés sur ce thème du "Je" et de ses diverses composantes.

Parutions.com : Qui sont ces deux personnages ?

Amélie Nothomb : Le premier, c’est la conscience, la partie qui vous parle. L’autre… ne vous fiez pas à moi, je n’y connais rien. Ce meurtre est un acte d’amour. On ne peut pas tuer son ennemi intérieur : il est comme un virus dans l’ordinateur, il grossit, il faut trouver une parade ! L’ennemi peut aussi conduire au meurtre. Mes textes ont déjà suscité un meurtre, Les Catilinaires : cette histoire d’un homme qui finit par tuer son voisin. Eh bien, un an après la parution de ce livre, j’ai reçu une lettre d’un couple vivant dans le sud de la France. Ils écrivaient qu’ils avaient eu le même problème avec leur voisin et qu’ils avaient recouru à la solution que je préconisais. Et que depuis lors, tout allait bien !

Parutions.com : Qui est cet ennemi intérieur ?

Amélie Nothomb : À l’age de douze ans et demi est né en moi un ennemi monumental, destructeur et créateur à la fois. N’est-il pas la partie dionysiaque, amorale de nous-même ? Il juge les actes uniquement à l’aune de la jouissance qu’ils pourraient lui procurer. Il ne les justifie que par le plaisir. Il ne se considère pas comme un fou. Il appelle fou une personne dont les actes sont inexplicables, donc il n’est pas fou.

Parutions.com : Quel rapport peut-on entretenir avec son ennemi intérieur ?

Amélie Nothomb : Si on ne trouve pas un discours assez fort pour lutter contre lui, je ne sais pas ce que l’on devient. Je pars du principe que les autres ne doivent pas être foncièrement différents de moi. Chez moi, cela a pris la forme d’un gros ennemi contre lequel je n’ai trouvé que l’écriture. Il faut un duel, une mise en forme, comme les règles de la lutte en escrime. Ma forme d’escrime, c’est le style, le combat du style qui est le moment de l’écriture. L’affrontement suprême où je peux faire de ce combat permanent à l’intérieur de moi-même, quelque chose de créateur. Sinon, il risque de m’écraser. Sa mission est de signaler la mort en toute chose. "Il est celui qui vous révélera la mort contenue en toute beauté", ai-je écrit. Nietzsche écrit : "Ce qui ne me tuera pas, me rendra plus fort". Il faut accepter le combat. On ne peut pas tout le temps l’éviter. En l’évitant, on risque de ne jamais vivre ! Tout risque en vaut la peine. En ne risquant pas sa vie, on risque encore plus grand : on risque de ne pas vivre du tout.

Parutions.com : Peux-on aller jusqu’au crime ?

Amélie Nothomb : Je suis pathétiquement insomniaque depuis que j’ai deux ans ! Quand on vit certaines insomnies, on se met à avoir des pensées tellement nauséabondes que je conçois qu’on en arrive jusque là. On rumine… On est sous la coupe de son ennemi intérieur. Ca peut mal se terminer, si j’ai pu l’éviter, c’est parce que j’écris.

Parutions.com : Vous aimez les cimetières : dans le roman, un viol a lieu sur une tombe ?

Amélie Nothomb : J’aime les cimetières, je décris cette tombe, elle existe, ce sera mon petit jeu avec les lecteurs : les laisser la découvrir !

Parutions.com : Pourquoi écrivez-vous autant ?

Amélie Nothomb : C’est un devoir de l’ordre de la reconnaissance du réel. Un devoir de dire ce qui est. Et de le comprendre. J’écris souvent quand je suis face à une situation que je ne comprends pas. Après avoir écrit, je vois plus clair, mais c’est là que les lecteurs doivent faire leur travail. Cela fait neuf ans que je publie et jusqu’à présent les lecteurs ont été au rendez-vous. Je livre d’une situation ce que je connais et les lecteurs vont faire l’autre partie du travail. Et comme j’ai des lecteurs formidables et coopératifs, ils m’écrivent pour m’expliquer ce que j’ai voulu dire. Ils ont bien raison ! Il y a des psychanalystes qui m’éclairent. C’est bien pour cela que je publie ! Vous ne pouvez pas imaginez tout ce que mes lecteurs m’apportent. Je suis frappée par les aveuglements que j’ai face à des choses qui semblent aller de soi et que je ne vois pas. Je suis dans une recherche qui les concerne autant que moi. L’être humain me passionne. Je suis limitée puisque la seule chose que je peux explorer, c’est moi. Mais je crois que je ne suis pas si différente des autres…

Parutions.com : Vous reste-t-il des manuscrits en réserve ?

Amélie Nothomb : J’ai beaucoup de manuscrits, je ne les considère pas comme une réserve. Dans le cadre de ce manuscrit, comme pour tous les autres que j’ai publié, il s’agit d’un texte écrit très récemment. Je suis en train d’écrire le 40 ème, celui-ci est le 39 ème, mais je n’ai pas l’intention de publier les trente autres. J’écris et, de temps en temps, je me dis : tiens celui-là j’ai envie de le publier. Jusqu’à présent, je n’ai pas eu à choisir, j’ai toujours publié le dernier écrit, allez savoir pourquoi ! On dirait que j’ai un petit flair pour mes manuscrits...


Propos recueillis par Emmanuelle de Boysson
( Mis en ligne le 22/08/2001 )
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