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Pour rétablir une vérité
Ivan  Bounine   Tchékhov
Le Rocher 2004 /  2.9 € -  19 ffr. / 216 pages
ISBN : 2-268-05102-1
FORMAT : 14 x 23 cm

Traduit du russe et présenté par Claire Hauchard.
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«Consternante incompréhension… Quel parfait c… a pu écrire cela ?… Comment peut-on aligner tant de sottises ?» Ivan Alexeievitch Bounine, prix Nobel 1933, quatre-vingt-trois ans, n’est pas content. N’avoir jamais couché dans un livre «sa» vérité sur Tchékhov, de peur de lui faire défaut, et devoir endurer sous la plume d’un certain Kotov ou d’un Epatievski des considérations oiseuses sur les idylles mièvres d’«Antocha», cet homme doué de «qualités exceptionnelles de noblesse, de courtoisie, de raffinement» ! Comment la postérité, en un demi-siècle, a-t-elle pu faire de ce prosateur génial l’homme douillet, lymphatique et oblomovien dépeint par ceux de ses contemporains qui n’ont pas voulu laisser parler ses écrits pour lui ? On le disait «esprit chagrin» ? Pur contresens ! Tchékhov était bien davantage un esprit désespéré, qui cachetait ses lettres du sceau hérité de son père : «Pour l’âme solitaire, c’est partout le désert.»

Bounine est proche de sa propre mort lorsque, en 1952, il découvre l’édition russe de la correspondance de Tchékhov, emporté par la tuberculose en 1904. Il manque défaillir de confusion à la mention de son nom, entouré des plus bienveillantes paroles. Ainsi, le 23 février 1901 : «Bounine était là, et maintenant qu’il est reparti, je me sens seul.» Ainsi, l’auteur du Duel et de La Mouette avait quelque estime pour son cadet, et c’était pour le plaisanter qu’il le surnommait «marquis de Bouquichon», parce que le portrait de ce député français lui rappelait la face d’airain, très Garde Blanche, du jeune Bounine !

En 1952, dix-neuf ans après son Nobel, Bounine attend toujours la seule récompense qui lui importe : celle, posthume, d’Anton Pavlovitch Tchékhov, son maître, étanche à la phraséologie comme à l’hypocrisie. Ragaillardi par cette accolade d’outre-tombe, lui qui craignait de démériter («je n’étais à côté de lui qu’un petit garçon, un chiot»), décide enfin de faire pièce aux fausses statues et aux caricatures qui représentent Tchékhov tantôt en romancier châtré et besogneux, tantôt en rêveur souffreteux aplati dans l’ombre de Dostoïevski, entre autres stupidités. Mondain, Tchékhov, lui qu’il vit, dans un restaurant de Yalta, se lever et quitter la salle en blêmissant aux mots de «flambeau de notre littérature» lancés en toast par un admirateur ? Lugubre, l’auteur d’un méconnu Élevage artificiel des hérissons à l’usage des fermiers, qui ne relevait ses souricières que pour libérer les rongeurs qui s’y trouvaient pris ? Coquet, lui que son métier de médecin avait accoutumé au sang et aux sanies, et qui savait gré aux réalistes français d’avoir, comme lui, sondé l’ordure des cœurs et le déchet des âmes ? Flasque, lui qui récusait les «accents tourgueneviens» que lui prêtaient d’aucuns, pleinement conscient de son importance dans l’histoire des lettres russes ? Lui qui recommandait de «forcer les écrivains à écrire en les menaçant du cachot, du fouet, de la trique», et dont Bounine souligne au contraire la «cruauté» ? Petit bourgeois frileux, lui, le fils de boutiquier, qui ne fut jamais riche et qui, au mépris de son mal, entreprit le voyage à Sakhaline et courait rejoindre sa maîtresse à Moscou en dépit de la raison médicale ?

Car c’est là le deuxième événement qui convainc Bounine de jeter en vrac, par jets, ses souvenirs et ses certitudes : en 1953 viennent de paraître à Moscou les mémoires de la romancière L. A. Avilova, qui bouscule toutes les idées reçues. Non seulement Tchékhov et Avilova ont vécu à l’insu de tous une passion ardente, mais ce flirt maudit (Avilova était mariée à un atroce birbe) fut tour à tour un vaudeville, une tragédie, une bergamasque, un jeu de piste (telle réplique de La Cerisaie est un message codé à l’adresse de l’amante au désespoir !) et pour finir, un cauchemar. Ce livre reproduit en effet les lettres dantesques adressées par Avilova, restée en Russie après 1917, à Bounine en son exil cannois. Dans son dénuement, elle non plus n’avait jamais oublié Anton Pavlovitch, l’homme de sa vie, auquel elle avait inspiré De l’amour.

Pour toutes ces raisons, et en vue du cinquantième anniversaire de sa mort, Bounine use ses dernières forces à consacrer son ultime livre à Tchékhov. C’est une partition inachevée pour piano mécanique, de simples éléments pour une biographie, pêchés au gré de sa mémoire, de sa conversation ou de ses lectures. L’histoire d’une rencontre, au Grand Hôtel de Moscou, un jour de décembre 1895 : copieusement imbibé, le poète Balmont avait endossé au vestiaire le paletot de Tchékhov, et de cette confusion Bounine déduisit que l’écrivain admiré était dans les murs. Émaillé d’anecdotes (Tchékhov et Tolstoï, «cadavre vivant», communiant au lait d’ânesse prescrit par leur pneumologue), ce livre mouillé de larmes et hoquetant de reconnaissance est sans doute, de tous les témoignages inspirés par Tchékhov, le plus vibrant d’émotion et le plus sincère dans son regret, dans sa colère, dans son amour. Moins élaborée et drolatique que le fabuleux Joseph Roth de Geza von Cziffra, récemment publié par le même éditeur, cette ébauche est aussi, pour cette raison même, infiniment plus poignante.


Olivier Philipponnat
( Mis en ligne le 19/05/2004 )
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