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Quatre mille ans d'histoire
Fernand  Braudel   l’Identité de la France
Flammarion - Mille & une pages 2000 /  3.71 € -  24.27 ffr. / 1182 pages
ISBN : 2-08-212540-8
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Aujourd’hui disponible dans un format compact, l’Identité de la France, d’abord publiée en 1986 et 1990, traduit l’ambition exceptionnelle d’un homme exceptionnel : rendre intelligible l’histoire d’un pays sur quatre millénaires. Pour ce faire, Fernand Braudel a mobilisé toutes les sciences de l’homme : autant géographe, économiste, ethnographe et sociologue qu’historien, il éblouit le lecteur par sa profonde maîtrise de ces différentes disciplines et par la connaissance intime qu’il a de son sujet. Dans le projet initial, conçu dans les jours sombres de 1940, l’ouvrage devait comporter quatre parties : Espace et Histoire, les Hommes et les Choses, État, Culture, Société, la France hors de France. Seules les deux premières ont été écrites.

Fernand Braudel s’attache d’abord à démontrer que, loin de la vieille image de la France une et indivisible, notre pays se distingue par son infinie diversité, par sa fragmentation en minuscules terroirs. La tendance à l’unité laisse d’ailleurs subsister des lignes d’opposition Nord/Sud, oïl/oc et de part et d’autre de la ligne Saint-Malo/Genève. En dernière analyse, ces lignes de fracture se rattachent aux deux sources lointaines de notre civilisation: le rayonnement de l’Orient méditerranéen, d’une part, l’agriculture proto-européenne évoluée sur sol profond, apparue depuis le troisième millénaire avant Jésus-Christ, de l’autre.

Diversité de la France, mais aussi jusqu’à une date récente, immensité. Par sa population, la France fut longtemps la Chine de l’Europe et, par ses dimensions, une Russie de l’Occident. Au XVIè siècle, elle a "vingt-six jours de large et vingt-quatre de long" (p. 671) Les envahisseurs s’épuisent à conquérir cette étendue. Ce n’est qu’en 1940 que l’armée motorisée ennemie put nous abattre en quelques semaines. Jusqu’alors, nos adversaires n’avaient pu triompher de nous qu’au prix de longues et pénibles campagnes, même dans nos moments les plus difficiles. Mais cette immensité de la France explique aussi son morcellement jusqu’au développement d’un dense réseau de chemins de fer.

C’est ensuite à une histoire totale de la France que Fernand Braudel nous convie. L’espace, les frontières, les fleuves, les montagnes, les campagnes, les bourgs, les villes passent successivement sous son scalpel. Certaines régions et cités témoins sont retenues comme des cas d’espèce et étudiées avec un soin particulier. On est alors frappé de la diversité et de la richesse de la documentation mise en oeuvre : études générales, monographies, thèses de jeunes historiens, mais aussi documents d’archives, en particulier du contrôle général des Finances. L’étude magistrale de Roanne et du Roannais (p. 209-221) est de ce point de vue un morceau de choix. On pourrait citer aussi les passages consacrés à Paris, au Rhône (p. 267-303), à la Loire, bien d’autres encore. Centrée sur l’économie paysanne, cette Histoire de France braudélienne montre que la France nordique du loess prit dès les premiers temps une avance qui ne fut jamais rattrapée.

L’Identité de la France impressionne par l’abondance des vues personnelles et originales sur les sujets les plus divers. Ainsi, l’auteur arrive-t-il à écrire du neuf sur une histoire aussi rebattue que le siège d’Alésia : pour lui, si la Gaule est alors battue si rapidement, c’est paradoxalement en raison de son degré de développement relatif : il existe déjà un réseau de communication dont les Romains profiteront mais qu’ils ne retrouveront pas en Germanie. Fernand Braudel s’attaque avec intrépidité aux débats les plus éculés, tels que les causes de la fin de l’Empire romain, sans la prétention d’en donner la clef. Du plus lointain passé, il pousse jusqu’à l’actualité, ainsi en traitant du problème de l’immigration nord-africaine.

Dans leur foisonnement, ces différentes vues sont ordonnées autour d’une idée directrice -souvent causes et conséquences s’entremêlent et se confondent ; la question du pourquoi se repose à l’infini- et d’un grand thème : le long terme, le temps long, le cycle, le trend.

C’est aussi en écrivain et en poète, en amoureux de la France, que Fernand Braudel a composé ce livre-testament. À l’érudition, à la hauteur de vues, s’ajoutent l’émotion et la tendresse. Émouvante surtout est la connaissance, profonde et personnelle, du vieux monde paysan, disparu avec les Trente Glorieuses. Fernand Braudel marie la force de l’analyse savante à l’anecdote d’un vieil homme de jadis. Mais l’anecdote n’est jamais gratuite, toujours en situation, avec un sens puissant de l’histoire vivante. Braudel a l’art d’illustrer les grands sujets par un exemple qui les rend présents et sensibles au lecteur: on lira son récit du siège de Toulon par les Savoyards en 1709 (p. 354-376).

Une seule réserve : l’identité suppose l’altérité. Dans tout l’ouvrage, la comparaison avec l’étranger est un peu en retrait. Si la France se nomme diversité, on aurait aimé avoir la démonstration que cela est moins vrai pour d’autres pays, ou alors que cela l’est, mais pour d’autres pays éloignés dans le temps ou dans l’espace.

Au total, en laissant ce grand livre, le lecteur n’a qu’un regret: c’est que la mort n’ait pas permis à Fernand Braudel de mener à bien sa vaste entreprise, car les deux premières parties publiées feront toujours regretter ce qu’auraient pu être État, Culture, Société et la France hors de France. Tel quel, quinze ans après sa parution, l’Identité de la France n’en demeure pas moins l’une des trois ou quatre plus importantes productions de l’école historique française dans le dernier demi-siècle : un livre sur la France qui la fait comprendre et aimer, qui fait espérer en son avenir, qui fait sentir quelle chance c’est d’être Français.


Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 10/12/2000 )
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