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Histoire & sciences sociales  ->  Période Moderne  
 

Versailles désenchanté ou la défaite du soleil
Gérard  Sabatier   Versailles ou la figure du roi
Albin Michel - Bibliothèque des idées 1999 /  5.59 € -  36.64 ffr. / 701 pages
ISBN : 2-226-10472-0

L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris-I-Sorbonne, Thierry Sarmant est conservateur en chef du patrimoine au Service historique de l'armée de Terre. Il prépare, sous la direction du professeur Daniel Roche, une habilitation à diriger des recherches consacrée à "Louis XIV et ses ministres, 1661-1715". Il a publié une vingtaine d'articles sur l'histoire politique et culturelle de la France moderne et contemporaine et six ouvrages dont Les Demeures du Soleil : Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003)et La Roumanie dans la Grande Guerre et l'effondrement de l'armée russe (1999).
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"Il était une fois un roi
Le plus grand qui fût sur la terre;
Aimable en paix, terrible en guerre;
Seul enfin comparable à soi.
Ses voisins le craignaient,
Ses États étaient calmes,
Et l'on voyait de toutes parts
Fleurir à l'ombre de ses palmes
Et les vertus et les beaux-arts."

Le début du conte de Peau d'Ane pourrait servir d'exergue aux belles années du règne personnel de Louis XIV. C'est le temps où le roi-soleil fit de Versailles le "palais enchanté" qui allait devenir le principal monument de sa gloire. L'entreprise a réussi en ce que le château a donné naissance à une science, la "versaillogie", qui étudie successivement le palais monarchique, le musée de la peinture française, le musée de l'histoire de France et cet "Art français" qui serait pour une bonne partie un art de Versailles. Désireux de faire rentrer dans le domaine des historiens ce qui fut trop longtemps l'apanage exclusif des historiens d'art, M. Gérard Sabatier se place dans cette lignée et entreprend d'en critiquer les faiblesses.
Après avoir retracé l'histoire de la science versaillologique, M. Sabatier affiche son ambition, qui est de donner une nouvelle interprétation de Versailles. La nouveauté de sa démarche tient à ce qu'il n'entend oublier aucun des acteurs : le roi et ses ministres, les architectes, les artistes, les savants et le public. Pour ce faire, il se livre à un examen critique des anciennes descriptions de Versailles, prises non plus comme source de renseignements factuels mais comme traduction d'une idéologie.


L'auteur s'attaque d'abord à la question du "palais cosmique". Le soleil est la "devise" de Louis XIV, l'emblème qui fut choisi pour lui dès l'enfance. Il servit de thème aux réjouissances monarchiques depuis la fin de la Fronde. Les Plaisirs de l'Ile enchantée (1664) l'installèrent à Versailles. M. Sabatier rejette pourtant l'idée selon laquelle tout ferait sens dans un "palais mystique" ordonné autour du thème de l'Apollon-soleil et d'une cosmogonie. Pour lui, Versailles n'est point le palais du soleil. Le programme apollinien n'est qu'un bref moment de la construction du château. Ainsi les salons des planètes ont-ils donné lieu à bien des délires dont M. Sabatier s'attache à détruire les ingénieuses constructions.
De même, à partir des années 1680, les jardins deviennent un musée de la sculpture classique, sans qu'on puisse y reconnaître un parcours général. Latone n'est que Latone et le dragon qu'un simple reptile. L'auteur pense que dans les jardins comme dans les bâtiments, s'il y avait des thèmes iconographiques, il n'y avait pas de thématique générale.
M. Sabatier montre enfin que le thème du roi-soleil, soleil de la France et du monde, est ancien, général et banal. L'appartement des planètes reprend et amplifie des formules expérimentées à Saint-Germain et Fontainebleau, au palais Pitti de Florence comme au palais du Quirinal à Rome.

Pour M. Sabatier, Versailles n'est pas le palais du soleil mais le mémorial du roi. Louis est partout. On ne voit que lui, entouré d'Olympiens réduits à des pictogrammes. Les dieux et les héros de l'Antiquité ne sont que pâles reflets d'un roi de France qui les surpasse et les contient tous. C'est pourquoi le sens exact des mythologies et des allégories importe assez peu. L'étude de l'escalier des ambassadeurs le démontre, où l'allégorie et la réalité se mêlent pour peindre un roi parfait. Cette louange du roi est d'ailleurs sans originalité aucune. Elle reprend le portrait du souverain idéal, tel qu'il est tracé dans toute l'Europe depuis plus de deux siècles.

Quelques années plus tard, la grande galerie (notre galerie des glaces) ne sera ni galerie d'Apollon, ni galerie d'Hercule, mais galerie du roi : l'histoire remplace la mythologie. Dès 1671, Pellission écrivait à Colbert : "Entre tous ces caractères, celuy de Sa Majesté doit éclater. Il faut louer le roy partout, mais pour ainsi dire sans louange, par un récit de tout ce qu'on luy a vu faire, dire et penser". Le Versailles des années 1680 raconte donc l'histoire du roi à la façon d'un médaillier. Les tableaux de la grande galerie sont accompagnés d'inscriptions lapidaires, telles que le fameux "Le roi gouverne par lui-même", et forment une somptueuse bande dessinée. La galerie est une défense et illustration du monarque, roi de paix et roi de guerre. L'auteur replace magistralement le programme de la galerie dans le contexte politique national et international des années 1680: puissance de Louvois, affaires protestantes, rivalité avec l'Empire.

S'intéressant à la réception de ces grands ensembles décoratifs, M. Sabatier montre que l'effet recherché fut en partie manqué, parce que Versailles venait trop tard. Les visiteurs du temps ne s'intéressaient guère à la signification politique des décors. Ils admiraient la beauté des oeuvres d'art, la richesse et la profusion des ornements, l'étendue des jardins et des bâtiments. Sans doute le vocabulaire mythologique et allégorique ne leur était-il pas inaccessible : l'enseignement des collèges, la vente d'estampes (ainsi les planches du Cabinet du roi), l'édition de guides explicatifs leur faisaient connaître ce langage. Mais là n'était pas leur souci principal.

Les grands cycles figuratifs n'avaient d'ailleurs pas un rôle de propagande, mais d'affirmation, de proclamation. C'est ce qu'explicite le parallèle de Versailles avec la colonne Trajane, dont les bas-reliefs sont invisibles au spectateur, mais dont l'étendue et la taille impressionnent. À Rome comme à Paris, l'intention informative existe, mais n'est que secondaire. En fait, l'iconographie de Versailles fut davantage lue et commentée que regardée: c'est ainsi que les intellectuels d'État se mirent à broder sur le thème apollinien.

Sous Louis XIV, Versailles était déjà un musée de la statuaire antique et moderne, de la peinture italienne et française. Au cours du XVIIIe siècle, le sens du message politique s'estompa davantage encore, l'intérêt pour l'allégorie décrut ; celui pour l'art augmenta. Quant à la force du jardin, elle vient du mouvement, celui des eaux, celui de la déambulation du promeneur, non d'un parcours réfléchi et figé.

Dans sa conclusion, M. Sabatier rattache ces évolutions à celle que connaissent alors les arts, la philosophie et la politique. Après un long combat, le coloris triomphe du dessin. À la recherche des clefs, à l'ingéniosité succèdent le primat de l'esthétique, du sensible, du plaisir. Avec l'intégration des principes cartésiens, le monde n'est plus considéré comme un système d'analogie, mais comme une mécanique. C'est le "désenchantement du monde", qui présage la crise de la monarchie.

Fruit d'un double refus, celui de la rupture entre l'histoire et l'histoire de l'art, d'une part, celui des grands systèmes interprétatifs, de l'autre, Versailles ou la figure du roi est appelé à faire date. Les conclusions de M. Sabatier donneront sans doute lieu à de vives discussions entre connaisseurs. Sans entrer dans ces débats, on saluera la méticulosité de la démonstration, servie par un très riche illustration de plans de tableaux, de dessins et d'estampes. Si les thèses de l'auteur trouveront des contradicteurs passionnés, ceux-ci ne pourront cependant se dispenser de garder son ouvrage à portée de main.

Le simple curieux retire de ce livre le sentiment que l'effet, positif ou négatif selon les cas, produit par Versailles tient surtout à l'ampleur des moyens mis en oeuvre, à la dépense, au caractère grandiose de l'ensemble. Dans ses Pensées, Montesquieu ne dit pas autre chose: "Ce qui me déplaît dans Versailles, c'est une envie impuissante qu'on voit partout de faire de grandes choses. Je me ressouviens toujours de dona Olympia qui disait à Maldachini, qui faisait ce qu'il pouvait : Animo ! Maldachini. Io ti faro cardinale. Il me semble que le feu roi disait à Mansard : Courage ! Mansard : je te donnerai cent mille livres de rentes. Lui, faisait ses efforts: mettait un aile ; puis, une aile; puis une autre. Mais, quand il en aurait mis jusques à Paris, il aurait toujours fait une petite chose".

Ce que Montesquieu ne pouvait sentir encore, ce que M. Sabatier a laissé de côté, car ce n'était pas de son sujet, c'est la poésie propre de Versailles, cette poésie du temps qui passe: les ors se ternissent, les marbres se détachent, les arbres croissent, le jardin redevient forêt. Voilà le paradoxe du palais enchanté : message de Louis XIV à la postérité, Versailles nous conserve l'image de sa puissance et de sa gloire et, dans le même temps, témoigne combien sont vaines les grandeurs dont le roi s'était enivré.


Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 08/01/2000 )
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