Histoire & sciences sociales -> Période Contemporaine |
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Victoria, diplomate et freudienne |
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Jacques 
Langlade (de) la Reine Victoria Perrin 2000 / 3.47 € - 22.75 ffr. / 409 pages ISBN : 2-262-01450-7 Imprimer
Victoria a régné sur l'Angleterre de 1837 à 1901. Alliée par ses enfants aux plus grandes familles d'Europe (Guillaume II était son petit-fils, Nicolas II épousa sa petite-fille), elle était au centre d'un extraordinaire réseau familial dont Jacques de Langlade se plaît, malgré quelques inexactitudes, à dénouer les liens les plus complexes.
L'auteur connaît bien l'histoire de l'Angleterre au XIXè siècle, ses moments forts et ses personnages principaux, auxquels il a consacré plusieurs biographies. A partir d'une présentation de la Reine, de ses premiers ministres (Melbourne, Palmerston, Disraëli, Gladstone et Rosebery) et de la famille royale, il bâtit avec aisance un récit cohérent et convaincant des interventions de Victoria dans la politique extérieure de la Grande-Bretagne, une de ses principales préoccupations. L'abondante correspondance de la reine, depuis longtemps publiée en Angleterre, permet de multiples citations, certes pas inédites, mais qui éclairent avec bonheur une époque où les liens dynastiques jouaient un rôle non négligeable dans les relations entre puissances.
On saura gré à l'auteur de ne pas avoir accordé trop d'importance à des considérations nées des travaux de Pierre Renouvin sur la Première Guerre mondiale, mettant l'accent sur l'importance des facteurs économiques dans les relations internationales. Son ouvrage permet de bien faire apparaître comment les multiples successions de régimes qui caractérisent la France du XIXè siècle génèrent l'établissement de liens solides entre notre pays et les autres Etats européens, notamment au début de la IIIè République. C'est alors que Delcassé, venant aplanir systématiquement les causes de conflit avec la Russie et la Grande-Bretagne, fit entrer nos relations diplomatiques dans une ère nouvelle.
En éclairant ainsi l'histoire de la diplomatie britannique, l'auteur nous livre une plaisante introduction à l'histoire de l'Europe au XIXè siècle, qui serait excellente si elle n'était entachée de quelques erreurs grossières: Jacques de Langlade fait ainsi du Trocadéro une victoire de Napoléon III en Crimée, alors qu'il s'agit d'un épisode de la promenade militaire du duc d'Angoulême en Espagne en 1823; confondant 1871 et 1815, il affirme que les Prussiens occupèrent alors Paris, quand justement c'est leur refus de prendre possession de la capitale qui contribua à provoquer la Commune, et on ne comprend pas ce qui l'amène à affirmer que Gambetta fut le chef des insurgés, puisque c'est précisément son refus de rejoindre leurs rangs qui lui valut, jusqu'à sa mort prématurée, une solide inimitié de l'extrême-gauche.
Si on regrette ces inexactitudes, on sourit, en revanche, des quelques pages de ce récit, généralement sérieux, dans lesquelles l'auteur nous décrit une Victoria "pétulante et naïve" qui "depuis sa plus tendre enfance, a un besoin physique d'être épaulée, comprise, soutenue par un homme", sorte d'allusion au beau portrait de Winterhalter reproduit sur la couverture du livre, dont la rose fanée fait écho à la Cruche cassée, de Greuze, si appréciée au XIXè siècle.
Quant aux considérations auxquelles se livre l'auteur sur l'hypocrisie des moeurs anglaises au sommet de la société, à la fin de l'époque victorienne, on ne pourra, à la recherche de comparaisons de ce côté-ci de la Manche, que le renvoyer à Félix Faure ou aux jeunes hommes trouvés dénudés et bastonnés devant la demeure du baron de Charlus… En un mot, l'historiographie la plus récente de la criminalité en Grande-Bretagne montre qu'elle était alors comparable à celle des autres pays européens.
Jean-Philippe Dumas ( Mis en ligne le 14/06/2000 ) Imprimer
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