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Hommes-femmes mode d’emploi
La Dialectique des rapports hommes-femmes
PUF - Sociologie aujourd'hui 2001 /  3.44 € -  22,50 ffr. / 320 pages
ISBN : 2130503810

Sous la direction de Thierry Blöss
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"Une émancipation féminine inscrite dans les limites autorisées", tel pourrait être le sous-titre de cet ouvrage collectif qui fait apparaître la permanence d'un principe structural de domination masculine. En effet, si les comportements et les trajectoires des femmes et des hommes se sont rapprochés, cette évolution n'a pas fondamentalement remis en cause la division sociale des rôles de sexe. Les rapports hommes-femmes sont donc doublement dialectiques : des progrès quotidiens côtoient des structures et mentalités conservatrices, et les changements opérés peuvent eux-mêmes avoir des conséquences contradictoires.

Il est d'autant plus important de le rappeler que les différences sexuées sont rarement vécues sur le mode de la contrainte, puisqu'elles s'appuient sur une inculcation dès l'enfance, au sein de la famille (dont on étudie le poids dans la formation de l'identité politique en fonction du sexe) puis à l'école, la scolarité confortant dans les faits une socialisation différentielle des filles et des garçons. La logique se reproduit et se renforce sur le marché du travail, la ségrégation se fondant sur l'argument implicite selon lequel il existerait des qualités et aptitudes propres à chaque sexe. La légitimité du travail des femmes est mise en cause jusque dans des mesures censées favoriser une "conciliation" de l'emploi et de la vie de famille qui est pensée comme relevant uniquement de la responsabilité des femmes. Cette surexposition aux rôles affectifs, éducatifs et de solidarité domestique est réactivée au cours du cycle de vie et touche des domaines aussi divers que l'entrée dans la vie adulte, le vieillissement et le rapport au corps, la sexualité et la conjugalité.

Dans une première partie sont étudiées les interrelations entre le lien familial et la reproduction des identités de sexe, à travers la construction d'habitudes et de croyances sexuées dès la petite enfance, la socialisation politique différentielle, la démocratisation toute relative des relations familiales et les effets pervers des politiques publiques. Bernard Lahire prend le temps de démontrer que les catégories de sexes sont socialement construites et que les différences biologiques entre femmes et hommes ne recouvrent pas l'opposition entre le "féminin" et le "masculin", évidence qu'il est toujours bon de rappeler. Il explique ensuite pourquoi ces contraintes ne sont pas ressenties comme telles : elles sont à la fois précoces, omniprésentes et multiformes. La socialisation sexuée correspond donc au modèle de l'habitus, de la "nécessité faite vertu". Mais comment un tel conditionnement est-il possible alors même que filles et garçons se rencontrent sans cesse ? L'absence d'identification va de pair avec une dévalorisation de ce qui est attribué au féminin, jugé futile, comme en témoigne l'exemple du journal intime (un "truc de filles"). Ces habitudes sexuées et discriminantes persistent même lorsque les acteurs ont intégré des croyances égalitaires, qui ne sont guère actualisées autrement que verbalement.

La transmission de l'héritage politique constitue l'un des moments de la socialisation différenciée. Les filles connaissent une politisation tardive et
se disent bien plus souvent apolitiques, ce qui s'inscrit dans un rapport ambigu des femmes à la politique, visible notamment dans le fait que pour les filles comme pour les garçons, la mère est toujours perçue comme en retrait de la scène électorale.

Cette socialisation différenciée s'inscrit dans le cadre de relations domestiques qui restent inégalitaires. En effet si l'égalité au sein de la famille semble s'imposer dans les esprits, dans les faits le processus se révèle pour le moins contrasté, comme en témoigne la non-résolution du problème d'une "conciliation" famille-travail et d'une "double journée" qui restent malheureusement d'actualité. A cet égard, Thierry Blöss dénonce une "domination masculine d'Etat" qui se manifeste à travers des politiques qui ont intériorisé une idéologie des compétences parentales reposant sur l'invention politique du lien mère-enfant pensé comme indissoluble, ce qui constitue une reproduction de la norme sexuellement inégalitaire.

Les auteurs se penchent ensuite de façon détaillée sur le problème de la scolarisation différentielle du primaire au supérieur, pour finir sur des comparaisons à l'échelle mondiale (on peut d'ailleurs regretter que ce soit là le seul exemple d'ouverture comparatiste, le reste de l'ouvrage traitant exclusivement - quoiqu'implicitement- de la France). Malgré la progression spectaculaire de la scolarité féminine, l'école contribue en effet à la socialisation différenciée et à l'inculcation de stéréotypes dangereux, en encourageant la sexuation des aptitudes (l'exemple le plus frappant étant bien entendu celui des mathématiques). Les différences de réussite scolaire, favorables aux filles, sont alors sur compensées par des choix d'orientation qui les enferment dans des filières dites inférieures. On peut ainsi parler d'une "réussite paradoxale", qui est plus marquée dans les pays où l'accès à l'enseignement supérieur est très ouvert.

Le troisième axe de cette étude est lui aussi assez classique : il s'agit du travail et de la mobilité sociale, ce deuxième point donnant lieu à d'intéressantes - quoique incomplètes - réflexions sur la façon dont les méthodes employées par la sociologie pour étudier la mobilité selon le sexe peuvent être biaisées. Le travail des femmes reste difficilement accepté, en particulier en ce qui concerne les emplois à forte composante technique, elles sont sous-payées et cette tendance, loin de s'atténuer comme le prétend un discours triomphaliste aussi répandu que dangereux, ont recommencé à se creuser. Ce sont surtout les trajectoires individuelles qui font ressortir l'existence de discriminations. Or la position de la sociologie à ce sujet est ambiguë, comme le montre - en partie malgré elle - Dominique Merllié. En effet, les tableaux de mobilité centrés sur les hommes, ou même ceux qui prennent pour référence le "travail du père", constituent une expression de la domination masculine, logique à laquelle la sociologie elle-même peine à échapper.

La partie intitulée "âge de la vie et trajectoire de sexe" traite des différences hommes-femmes telles qu'elles ressortent de l'étude des modes
d'entrées dans la vie adulte et du vieillissement, problème qui se pose aux femmes d'une façon accentuée. Les femmes sont toujours beaucoup plus précoces en matière de formation du couple, de logement, de premier enfant, et ces passages à la vie adulte s'opère dans un laps de temps plus court. Leur insertion est souvent plus difficile et elles tendent à répondre à ce problème par le repli sur la sphère familiale. La vieillesse affecte elle aussi les individus de façon différenciée selon le sexe : on oublie souvent que les handicaps subis par les femmes dans leur vie professionnelle et familiale se cumulent lors du départ en retraite, ce qui est d'autant moins justifié que s'opère avec la vieillesse un rapprochement des genres qui confirme le caractère arbitraire et socialement construit de la différenciation de sexe.

Dans la dernière partie les auteurs traitent des représentations corporelles sexuées, de l'enjeu qu'elles constituent dans les rapports sociaux de sexe et des représentations divergentes de la sexualité au sein du couple. Le processus de sexuation du corps, longtemps ignoré par les sciences sociales, participe de la hiérarchisation des sexes, en confortant la figure d'une femme à la fois faible, douce et futile. La domination ne passe pas que par les représentations : elle prend des formes bien concrètes quand elle porte sur le contrôle médical de la grossesse ou même la violence conjugale, qui n'est pas aussi rare qu'on voudrait le croire. Enfin si les trajectoires sexuelles des femmes et des hommes se sont rapprochées, le désir féminin reste encore largement impensé du fait du rôle d'objet à posséder que jouent encore les femmes et qui suppose de leur part une certaine absence d'initiative.

Cet ouvrage fait donc le point sur un certain nombre d'idées fausses et coupe court à une rhétorique triomphaliste qui joue en réalité contre les femmes. Dans la lignée de Margaret Maruani qui, dans Les Nouvelles Frontières de l'inégalité, avait révélé les tensions entre "progressions évidentes et régressions impertinentes" caractérisant les relations femmes-hommes, les auteurs traitent de la distance entre croyances égalitaires et pratiques discriminatoires, démontent les discours faussement raisonnables et visant en réalité à renvoyer les femmes chez elles (idée qu'il est bon d'avoir à l'esprit quand on entend dire que la loi sur la parité va contraindre des femmes à occuper une fonction élective), démontrent que l'universalisme dans le domaine social est aussi inégalitaire que dans le domaine politique, mettent à jour les présupposés misogynes de ceux qui déplorent le recul de "l'autorité paternelle", du retournement de situation à l'oeuvre dans la problématique de "l'homme menacé", philosophiquement insoutenable parce qu'elle consiste en fin de compte à défendre un droit à la domination masculine. Au final, le constat est assez sombre puisque la dialectique que dévoilent les auteurs repose sur une volonté de domination qui se manifeste par la mise en place de stratégies nouvelles (par exemple en matière d'orientation scolaire et professionnelle), ce qui signifie que cette domination masculine est sans cesse reconstruite.

Comment se positionne la sociologie dans cette dialectique ? Si les auteurs ont su résister à la tentation du discours biologisant, ils ne sortent pas tout à fait d'un cadre de pensée masculin. Ils notent par exemple très justement que la référence au père dans les tables de mobilité n'est pas anodine et témoigne au contraire d'une domination, puisqu'elle fonctionne toujours dans le même sens. Mais tout au long de l'ouvrage ils emploient l'expression "hommes-femmes", toujours dans le même ordre, que l'on pourrait qualifier de hiérarchique. Loin d'être neutre, leur sociologie reprend donc des expressions et modes de problématisation orientés dont elle ne pourra sortir que par une plus grande réflexivité.


Mélusine Bonneau
( Mis en ligne le 02/05/2002 )
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