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Une stèle de papier pour la
Samir  Kassir   Histoire de Beyrouth
Fayard 2003 /  3.82 € -  25 ffr. / 732 pages
ISBN : 2-213-02980-6
FORMAT : 16x24 cm

L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris-I-Sorbonne, Thierry Sarmant est conservateur en chef du patrimoine au Service historique de l'armée de Terre. Il prépare, sous la direction du professeur Daniel Roche, une habilitation à diriger des recherches consacrée à "Louis XIV et ses ministres, 1661-1715". Il a publié une vingtaine d'articles sur l'histoire politique et culturelle de la France moderne et contemporaine et six ouvrages dont Les Demeures du Soleil : Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003)et La Roumanie dans la Grande Guerre et l'effondrement de l'armée russe (1999).
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Dans la série vouée par les éditions Fayard au genre difficile de l’histoire urbaine, les livraisons sont fort inégales – on se souvient du plat et indigeste Paris : deux mille ans d’histoire, donné par Jean Favier en 1997 – ; il faut donc signaler combien la superbe Histoire de Beyrouth que donne aujourd’hui M. Samir Kassir se détache de cet ensemble. Solidement documenté, abondamment et intelligemment illustré, écrit avec sobriété et élégance, ce livre est véritablement l’histoire d’une ville : tous les aspects de la vie urbaine y sont traités – architecture et urbanisme, commerce, enseignement, culture, gastronomie, etc. En outre, l’auteur remonte au plus lointain passé de la ville, éclairant ainsi l’histoire politique du Liban contemporain.

Suivant un plan chronologique qui ne s’interdit pas les poses thématiques, M. Kassir part tout simplement de l’Antiquité. Au contraire d’autres métropoles, Beyrouth – nom qui signifie le Puits - n’est pas prédestinée par son site, un promontoire escarpé se détachant d’une étroite plaine côtière éloignée des débouchés naturels du Mont Liban. A l’époque phénicienne, elle n’est qu’une bourgade secondaire, le premier rôle revenant à Tyr, Sidon et Byblos. Dans cette très ancienne terre de chrétienté, le premier évêque est signalé en 150 de notre ère, et le diocèse relève de Tyr jusqu’en 450. Siège d’une école de juristes sous les Byzantins, Beyrouth n’occupe qu’une place modeste dans les chroniques arabes et ottomanes, non plus que dans celles des Francs, bien qu’elle soit restée cent soixante-dix ans aux mains des croisés. A la fin du XVIIIe siècle, elle ne compte que 4 000 habitants pour 100 000 à Damas.

L’essor de Beyrouth commence au début du XIXe siècle, quand Ibrahim Pacha, fils de Méhémet Ali, ouvre ses Etats à l’influence européenne. Beyrouth va alors devenir la tête de pont de l’occidentalisation de l’Orient : les premiers Steamer y arrivent en 1836, la route Beyrouth-Damas est ouverte en 1863, le chemin de fer l’est en 1893. Beyrouth est le port où débarquent les produits venus de l’Occident. A la fin du siècle, elle est une des vitrines de la modernité ottomane et parvient à un développement matériel qui n’a son équivalent qu’à Istanbul et Smyrne. La ville connaît dans le même temps un essor culturel considérable. En 1866, est fondé le Syrian Protestant College, ancêtre de l’American University of Beyruth ; en 1875 le collège de Jésuites devient l’université Saint-Joseph. Samir Kassir tend à réhabiliter cette époque ottomane, qui annonce, à bien des égards, la période suivante, mieux connue et davantage célébrée.

En effet, les années qui vont de l’établissement du Mandat français (1919) jusqu’au début de la guerre civile (1975) sont tenus pour l’âge d’or de Beyrouth. Ceux qui l’ont connu ne peuvent évoquer sans nostalgie le «panorama à la fois bucolique et moderne» de la ville à cette époque. «Petit Paris», «Nice de l’Orient» dans une «Suisse du Levant», Beyrouth offre tous les charmes d’une ambiance coloniale… sans les colons. Après l’indépendance (1943), le Liban apparaît comme un îlot de paix et de libéralisme dans un Proche-Orient en proie à la guerre et au dirigisme de régimes autoritaires. En 1958, y naît la première chaîne de télévision de langue arabe. Mais l’auteur apporte de sérieuses nuances à ce tableau : si le régime français a à son actif d’indéniables réussites – et l’urbanisme beyrouthin est du nombre –, les choix qu’il opéra eurent à long terme de funestes conséquences. Animés parfois d’un esprit de croisade déplacé, désireux de gérer le Mandat comme une colonie, les Français ont divisé pour régner, et le choix du Grand Liban, au détriment d’un Petit Liban ou d’une Grande Syrie peut être considéré comme une des causes lointaines de la guerre civile. Pendant la «belle époque» de Beyrouth, une «ceinture de la pauvreté», faite de bidonvilles, peuplés de chiites et de palestiniens, croît autour de la ville, dans l’indifférence. Au cours des années soixante, la spéculation immobilière incontrôlée altère peu à peu le paysage de jadis. Enfin, la façade de libéralisme politique cache un confessionnalisme construit «autour des maronites».

M. Kassir traite rapidement de la guerre civile et s’arrête plus longuement sur la reconstruction commencée après les accords de Taëf (1990) et qui a donné lieu à de vives polémiques. Au contraire d’autres grands témoins libanais, l’auteur juge le bilan de Solidere comme «globalement positif». Sans doute les promoteurs ont-ils renchéri sur les destructions effectuées par la guerre, mais le centre-ville nouveau, moderne, propre, est à tout prendre un pastiche assez réussi de l’ancien Beyrouth. Le reste de la ville est encore négligé. Quant au charme d’antan, il n’est pas ressuscité.

A dix kilomètres au nord de Beyrouth, les stèles de Nahr el Kalb évoquent la longue série des dominations connues par le Levant depuis la XIIe dynastie égyptienne jusqu’au général français Gouraud. Peu de monuments évoquent de manière plus frappante la destinée de ce pays, condamné par sa géographie à faire partie de grands empires sans être lui-même le centre d’une formation étatique. Avec cette monumentale Histoire de Beyrouth, M. Kassir a ajouté aux stèles de pierre une stèle de papier, un livre exemplaire de finesse et de lucidité.


Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 20/02/2004 )
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