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Le paradis n’est plus ce qu’il était
Jean  Delumeau   Que reste-t-il du paradis ?
Fayard 2000 /  3.73 € -  24.43 ffr. / 535 pages
ISBN : 2-213-60714-1
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Après avoir étudié, dans les deux premiers volets de son Histoire du paradis, la nostalgie entretenue par la chrétienté envers le jardin d’Eden, paradis terrestre perdu - dans Le jardin des délices (Fayard, 1992) - et l’espérance millénariste en un paradis terrestre à venir avec Mille ans de bonheur (Fayard, 1995), n’était-il pas naturel que Jean Delumeau s’attache à étudier le paradis du quotidien, le seul que la perception humaine ne situe pas sur la terre mais dans les cieux ? Ultime volet du triptyque, Que reste-t-il du paradis ? reconstitue donc l’évolution de la représentation chrétienne de l’au-delà désiré, se défend d’être un ouvrage d’histoire de l’art et se définit comme "un essai sur l’imaginaire paradisiaque et une tentative pour mettre en lumière la façon dont une espérance s’est insérée dans un contexte culturel en constante évolution" (p. 13).


Au point de départ de cette étude se trouve le retable de l’église Saint-Bavon de Gand, polyptyque achevé par Jan van Eyck en 1432 et communément nommé L’Agneau mystique, qui dès le XVIe siècle était qualifié de "plus beau panneau peint de la chrétienté". Ce trésor artistique, reproduit à la suite de la couverture du livre, dépeint le paradis avec force détails et permet de donner réalité à la double problématique de l’auteur : comment l’homme chrétien a-t-il pu représenter si précisément un paradis chrétien si sobrement et allusivement exprimé dans le Nouveau Testament et comment évolue ensuite cette représentation à la fois matérialiste et onirique alors que l’humanité connaît - comme l’a écrit Marcel Gauchet - un désenchantement du monde ? Divisé en quatre parties, le livre de Jean Delumeau s’organise donc en ces deux temps d’une évolution dont le retable de Gand constitue la charnière.


Ainsi, la première partie tente d’appréhender les éléments qui ont conduit à la construction de cet imaginaire, depuis les textes fondateurs issus des écritures (Genèse et Apocalypse) et les théologiens des premiers temps du christianisme, jusqu’aux visions des mystiques en passant par la cosmographie médiévale. De cet Eblouissement (première partie) rapidement esquissé, résulte "la charpente du paradis chrétien" (p.89) dont découlent les Bonheurs (deuxième partie) engendrés par la vision d’un paradis alors clairement perçu. Jean Delumeau invite donc ses lecteurs à en visiter les différentes parties. La visite commence par la Jérusalem céleste chère à saint Jean et saint Paul mais réservée aux élus, pour passer aux jardins, dont le retable fait la composante essentielle du royaume des cieux, et Jean Delumeau de s’interroger avec raison sur le glissement du sens du mot paradis, d’abord jardin d’attente du bonheur éternel devenu ensuite synonyme de royaume des cieux (p. 112). Toutes les facettes du paradis sont envisagées : de la végétation à son parfum, de la hiérarchie paradisiaque à l’homme paradisiaque, mais, si les références littéraires ou iconographiques abondent, le renvoi au retable gantois reste permanent.


Les Transformations (troisième partie) de l’imaginaire paradisiaque succèdent à cette perception statique et terrestre du paradis, ainsi que Jean Delumeau le reconnaît lui-même (p. 193) et bien qu’elle soit le fruit d’une évolution pluriséculaire. Elles marquent ainsi le début du deuxième temps de la réflexion de l’auteur. Les changements suivis par les mentalités religieuses se traduisent, au tournant des XVe-XVIe siècles, par la sensation paradoxale d’un paradis difficile d’accès vers lequel l’homme doit s’élever alors que la représentation en a fait un lieu en apparence très proche de la terre, trop pour les réformes, la catholique comme la protestante. La précision de la vision paradisiaque s’estompe alors, les Eglises privilégiant l’élévation du chrétien vers le royaume céleste en utilisant les évolutions artistiques de la Renaissance : de jardins, le paradis devient nuages et déchirure du ciel, chemin vers la lumière divine, manifestation d’une mystique baroque plus extatique que visionnaire.


Ces évolutions annoncent-elles une Déconstruction ? Jean Delumeau souligne dans cette quatrième partie la rupture entre ciel et paradis, qui en devient ainsi utopie. Ce divorce résulte de plusieurs changements : d’abord le ciel se laïcise, étant progressivement récupéré par les artistes profanes et la mythologie antique. Ensuite le discours théologique tend lui-même à se faire moins précis, plus sobre chez les protestants puis chez les catholiques. Enfin, l’astronomie copernicienne et galiléenne, même combattue par la doctrine, exclut le paradis des espaces célestes et l’au-delà devient peu à peu indicible et mystérieux, perceptible avant la mort aux seuls mystiques, dans le même temps où son imaginaire devient convivialité et affection, lieu de retrouvailles. De fait, Jean Delumeau conclut sur un paradis qui "sera l’actualisation de ces rêves fous sans la présence desquels la vie sur terre tourne à l’enfer" (p. 468).


Ce Que reste-t-il du paradis ?, Jean Delumeau l’a construit pierre par pierre, accumulant une documentation exceptionnelle, tant littéraire qu’iconographique, permettant de reconstituer l’imaginaire paradisiaque avec précision. Reste cependant que les très nombreuses références artistiques peuvent gêner un lecteur peu au fait des oeuvres d’art. Il est certain que le texte, aussi clair et bien écrit soit-il, ne supplée jamais parfaitement à l’image Aussi, sans toutefois réunir toutes les oeuvres abordées, un encart iconographique au milieu du volume et la reproduction du retable de van Eyck déjà mentionnée illustrent-ils fort utilement, mais pas de façon exhaustive, les propos de l’auteur. Un index des noms de personnes et des notes regroupées par chapitre en fin de volume viennent compléter l’appareil critique, même si l’on déplore l’absence d’une bibliographie imparfaitement remplacée par les notes.


Point n’en est besoin pour reconnaître la qualité de l’ouvrage. Au risque cependant de bafouer la sacro-sainte objectivité de l’historien, il s’agit du livre d’un chrétien s’adressant à des initiés, amateurs d’art ou de religion, chrétiens ou non. Il est d’ailleurs quelque peu dommage que la comparaison avec les imaginaires paradisiaques des autres religions du livre ou même simplement celui des Eglises orthodoxes, n’apparaisse pas indépendamment de toute querelle théologique. Jean Delumeau s’en défend dans son introduction. Il est vrai qu’une telle perspective comparative nécessiterait un livre à elle seule. En ce sens, le paradis envisagé reste celui de la chrétienté occidentale en général, du catholicisme en particulier, sujet bien assez vaste : écrire l’histoire suppose toujours des choix.


Conscient des acquis antérieurs de l’historiographie, tels que le Heaven. A History (Yale University Press, 1988) de C. McDannell et B. Lang, Que reste-t-il du paradis ? s’inscrit dans les courants de pensée de son temps : historien des objets historiques issus de la Nouvelle Histoire, la peur, le sentiment de sécurité, Jean Delumeau achève ici une étude fouillée en prise directe avec les inquiétudes existentielles de son époque. Il complète aussi l’histoire de la trilogie topographique de l’imaginaire religieux en prenant la suite de l’étude sur le purgatoire due à Jacques Le Goff. Après les limbes dépeintes par ce dernier et les jardins ici étudiés, à quand une histoire des lieux infernaux ?


Hugues Marsat
( Mis en ligne le 18/05/2001 )
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