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Littératureet Romans & Nouvelles  

Sous un ciel de diamants
de Senel Paz
Actes Sud - Lettres latino-américaines 2008 /  23 €- 150.65  ffr. / 430 pages
ISBN : 978-2-7427-7807-2
FORMAT : 11,5cm x 21,5cm

Date de parution : 02/10/2008.

Être puceau sous Castro

Deux adolescents dans le tumulte cubain des années 60. Aux premières heures de la Révolution, David et Arnaldo se rencontrent et une amitié se cimente. David est un romantique, un jeune intellectuel imbibé de lectures et figé dans l’attente qu’advienne sa Dulcinée… Arnaldo est plus terrien, sympathique brute qui, à défaut d’avoir l’âge adulte, met à profit une mécanique qui, elle, est déjà bien rôdée : c’est un jouisseur, un gars à filles, un sanguin latin et sympathique.

Alors, fort de son expérience, il comprend pourquoi David fut placé sur son chemin, il voit sa mission : qu’avant ses 17 ans, David perde son pucelage. La charge est de la plus haute importance ! S’il n’est pas déniaisé avant l’âge fatidique, David, qui, apparemment, n’a même pas convolé avec l’une des chèvres de son village, finira crétin à vie !

Alternant les chapitres où parle Arnaldo et ceux où se confie l’apprenti écrivain David, solitaire lecteur dans la chambre de l’internat, le roman plante aussi, et surtout, un décor : la révolution castriste, Cuba, les années 60, tout un monde. Si les Beatles y ont droit de cité – et servent pour le coup de bande sonore au récit -, on se demande encore si certains films venus d’Occident ont une valeur socialiste imparable… Le Che disparaît dans un deuil national retentissant et la vie au lycée suit son cours.

Arnaldo, expert en digressions dans son récit, parle aussi de la relation qu’il eût avec sa tante, par ailleurs maîtresse de son père, avec une chèvre, on en passe et des meilleures ! Il incarne à la perfection l’esprit cubain, sorte de sprezzatura méditerranéenne acclimatée au soleil des tropiques, un flegme nourri de siestes crapuleuses et d’une malice toute latine. «Et voilà un des plus gros problèmes de notre pays : tout ce qui est sérieux est pris à la plaisanterie, c’est le fameux choteo, cette dérision sur laquelle on a même écrit un livre» (p.54). Arnaldo, c’est le choteo en chair et en os.

David est différent, torturé, habitant d’un autre espace temps. C’est en fait le même David que celui de Fraise et Chocolat dont le scénario est aussi de Senel Paz. Un David d’avant la chute, adolescent chez qui l’homosexualité reste voilée de pudeur, d’idéaux romanesques. Le lien est fait entre le roman et le film dans les toutes dernières lignes.

Un roman qui se lit vite, écrit d’une plume chargée d’humour et d'esprit. Si l’histoire, en soi, ne dépasse pas la relation entre les deux adolescents et cette recherche éperdue du dépucelage, tout est dans la peinture hautement suggestive d’une époque, rendue dans une lumière éclatante… mais pas si nostalgique.

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 31/10/2008 )
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