Littérature
Romans & Nouvelles de Benjamin Pelletier
L'Olivier 2009 / 16 €- 104.8 ffr. / 162 pages
ISBN : 978-2-87929-642-5
FORMAT : 14cm x 20,5cm
Ensablé...
Quand sa société lui propose une place en Arabie Saoudite, le narrateur postule, sans vraiment se demander pourquoi, un peu par hasard, peut-être pour briser la monotonie d’une vie qu’il trouve sans issue. Du jour au lendemain, sans réelle transition, il quitte un Paris grisâtre et grouillant pour Djedda, cité écrasée par un soleil infernal, tenaillée par des restrictions morales absurdes et confite de contrastes monstrueux. Le désert avance, le sable fouette la ville qui s’étale malgré l’aridité et la sécheresse ; à l’image de la folie des hommes, les palais aux architectures prétentieuses s’emparent, dans une frénésie tentaculaire, des sols jaunes, comme un défi arrogant lancé aux règles contraignantes d’une nature hostile. L’argent, dans cette région des princes et autres émirats, est le reflet de l'orgueil des hommes et du mépris pour l’environnement. Un monde, dans lequel la nuance n’existe pas, entre sable et mer, désert et bâtiments, hommes et femmes, pauvreté et richesse, autant de dichotomies qui isolent hermétiquement, autant de frontières et d'interdits. La conjugaison de règles humaines ubuesques et de l’âpreté des vallées sablonneuses provoque chez le jeune narrateur un étouffement, comme un enfermement à ciel ouvert. Au cours de sa mission, il sombre, doucement, progressivement, dans un cauchemar intérieur ; son identité s'érode.
Comme s'il avait absorbé cette réalité binaire, dans un sursaut de mimétisme culturel, il se recroqueville en lui-même ; sa carapace psychique (ou sa camisole ?) l’isole de cet univers étranger. Il se perd dans un mélange de souvenirs d’enfance, de rêves et de cauchemars, dans lesquels s’entremêlent des bribes de l’Arabie Saoudite. Son dialogue intérieur coule, suinte en logorrhées poétiques, fantastiques, métaphysiques. Là où seule la chaleur écrasante lui rappelle qu’il est un corps en vie, il s’obstine à fuir. Il butte contre le désert, contre ses propres faiblesses, ses contradictions ; dans un sursaut de lucidité il trouve une régénération salvatrice, une clé pour comprendre ce voyage. L’hostilité se situe-t-elle dans cet ailleurs arabe ou s’abreuve-t-elle des peurs intimes de l’auteur ?
Benjamin Pelletier est un jeune romancier doué d’une plume généreuse, subtile, qui se plaît à interroger la fragilité humaine dans un amour sincère des mots.
Frédéric Bargeon
( Mis en ligne le 12/05/2009 )
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