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Littératureet Romans & Nouvelles  

Mon père est femme de ménage
de Saphia Azzeddine
Léo Scheer 2009 /  15 €- 98.25  ffr. / 176 pages
ISBN : 978-2756101958
FORMAT : 13cm x 19cm

L’auteur du compte rendu : Arnaud Genon est docteur en littérature française, diplômé de l’Université de Nottingham Trent (PhD). Membre du Groupe «Autofiction» ITEM (CNRS-ENS), cofondateur des sites http://herveguibert.net/ et http://autofiction.org/, il est aussi l'auteur, chez l'Harmattan, de Hervé Guibert. Vers une esthétique postmoderne (2007).

Chronique d’un ado

Paul, le narrateur de Mon père est femme de ménage, a 14 ans. Il vit dans une cité, à Saint-Thiers-lès-Osméoles, en compagnie d’une mère handicapée qui passe ses journées à regarder la télévision et à lire des magazines, de sa sœur qui rêve de devenir Miss et de son père employé d’une entreprise d’entretien. Souvent, le week-end ou pendant les vacances, en pleine nuit, Paul aide son père à dépoussiérer les livres des bibliothèques ou à nettoyer les boîtes de nuit qui viennent juste de se vider.

Mais contrairement à ce cercle familial, Paul aime les mots, il les a rencontrés et a découvert leur pouvoir. Les écrivains, leurs livres sont sa terre promise. Il croit en eux, seuls capables de lui permettre d’échapper au déterminisme social. «Non, les mots de la bibliothèque m’arracheront à mon destin de beauf. Même un peu. Il faut que je sois un autre».

Un sentiment d’étrangeté aux siens fait naître chez le narrateur une sorte de schizophrénie : dans l’obligation d’aimer son père et dans l’impossibilité de voir en lui autre chose qu’un «zappeur en jogging qui regarde ‘Turbo’». «Je me demandais pourquoi j’étais si différent, de lui, de ma mère, de ma sœur. Ma sœur, par exemple, on a les mêmes racines, les mêmes parents et pourtant on ne se saque pas, on n’a rien en commun».

A ces problèmes s’ajoute sa vie sentimentale. Amoureux de Priscilla, il la croit inaccessible, socialement d’abord mais aussi parce qu’il se sent physiquement transparent : «Je comprenais que ma mocheté n’était pas suffisamment rigoureuse, qu’elle était le fruit du hasard et d’une nature mal faite. Je n’étais pas assez moche, ma gueule n’effrayait pas : elle indifférait».

Ce roman plaisant, souvent amusant, nous fait parfois penser au premier tome des Chroniques de l’asphalte de Samuel Benchetrit : même environnement, même langue, même préoccupations… Ici, la fin, demi-happy-end, nous apparaît un peu mièvre… mais l’ensemble, disons-le, demeure charmant.

Arnaud Genon
( Mis en ligne le 28/08/2009 )
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