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Littératureet Romans & Nouvelles  

Les Etoiles de Sidi Moumen
de Mahi Binebine
Flammarion 2010 /  18 €- 117.9  ffr. / 153 pages
ISBN : 978-2-08-123636-3
FORMAT : 13,5cm x 21,1cm

Les Fils de Dieu

Un fantôme nous parle, celui d'un «fou de Dieu», jeune moudjahidin né dans la misère, très tôt pris sous l'aile d'un islamiste – son nom est Abou Zoubeïr – avec ses compagnons du bidon-ville de Sidi Moumen, sur les franges les plus miséreuses de Casablanca : «Sidi Moumen, confluence naturelle de tous les déclins» (p.50).

Le fantôme s'appelle Yachine et, avec la sagesse et l'apaisement échus à ceux passés dans l'autre monde, il nous raconte les trajectoires de cette fraternité au nom de conte : les Étoiles de Sidi Moumen, un groupe d'amis de la favela, devenu équipe de foot avant de finir en escadron de la mort, au nom d'Allah, soi-disant... «On ne m'a pas appris les mots pour dire la beauté des êtres et des choses, la sensualité et l'harmonie qui les exaltent» (p.72). C'est donc devenu ombre que Yachine acquiert le verbe et s'en sert pour revenir sur les équations par A + B ayant conduit ces jeunes âmes perdues de jeux d'enfants au suicide et la promesse d'une vie meilleure. Intéressante, la réflexion du jeune terroriste qui, arrivant dans le palace pour s'y faire exploser, trouve que le confort et les beautés qu'il recèle vaudraient bien ceux promis par son ''ayatollah''.

Avant les bombes et l'arrivée au ''Garage'', nom de code du lieu d'où se fomenta l'attentat, nous découvrons le jeune garçon dans son biotope, l'admiration sans bornes pour son grand frère Hamid, la beauté du copain Nabil, cible des jeux sexuels de ces damnés de la terre, objet de leurs tournantes mais aussi, peut-être, d'un amour secret et toujours tu de la part de Yachine, l'attrait pour la brune Ghizlane, un amour hélas trop jeune pour le détourner de sa ''mission'' ; enfin, Fouad, Azzi, Khalil et les autres... Yachine nous raconte leurs histoires, leur misère, mais les moments de joie aussi, dans un aller-retour sur le temps qui, d'où il nous parle, n'existe plus vraiment.

Nous sommes ici dans une sorte de fable où le lecteur exigeant ne trouvera pas les traces tangibles d'une vérité documentaire, du fait sociologique prouvant comment on peut passer de l'innocence au meurtre, sinon que la misère et l'injustice accouchent seulement du mal, et pour tout le reste, avortent. Mahi Binebine semble préférer la parabole et esquiver toute violence autre que celle de l'acte final. On ne ressent pas la haine de ces jeunes gens, juste leur accoutumance à la désespérance.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 01/03/2010 )
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