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Littératureet Romans & Nouvelles  

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de Sylvain Rossignol
La Découverte - Les Empêcheurs de penser en rond 2010 /  14 €- 91.7  ffr. / 237 pages
ISBN : 978-2-359-25019-0
FORMAT : 14cm x 20,5cm

La caissière et la syndicaliste

Le second livre de Sylvain Rossignol, après Notre usine est un roman, nous plonge cette fois dans le monde d’un supermarché. On y découvre la face cachée de ce véritable écosystème, avec ses codes, ses rites, ses petites trahisons, ses antagonismes et ses jalousies. Réaliste non sans une pointe de romantisme, avec une histoire d’amour plus suggérée que livrée en pâture au lecteur, le roman nous décrit avec une précision d’horloger-journaliste la montée de la tension chez les caissières de l’établissement, jusqu’à la grève finale, aboutissement des relations tissées souterrainement entre les différents protagonistes : Noémie, la caissière rebelle et boudeuse, Madame Gillot, la chef du rayon poissonnerie, qui s’improvise déléguée syndicale, Julien, le client phobique et romantique, Monsieur Némane, le directeur autoritaire qui a donné toute sa vie au Groupe, Poirier, son cadre dévoué mais amical, Sergent, le chef des vigiles, etc. Tous ces personnages vont évoluer au cours du récit, le tissu des relations si conventionnelles du début va éclater pour aller vers une «solidarité de classe» aussi inattendue qu’émouvante, dans le respect qu’inspire la dignité du combat mené par les employées de l’établissement.

Des scènes courtes et découpées au couteau de cuisine, à la manière d’un scénario de cinéma, un style efficace dans la justesse des nuances qu’il propose à la sensibilité du lecteur, des personnages bien campés dont on partage tour à tour le point de vue, tout concourt à faire de ce roman un livre attachant et non dénué d’un certain suspense, qu’on lit très facilement (sans que cette considération soit péjorative) et d’une seule traite.

Et nos prochaines courses au supermarché seront peut-être accompagnées d’un regard plus profond et complice vers la caissière qui saisira nos codes-barres… pour qu’elle y lise que nous savons une partie de ce qu’elle vit dans les coulisses de son métier…

«Remarque, j’aime bien me retrouver dans la file moins de vingt, un samedi. Parce qu’à côté les caddies débordent et les files sont tellement longues qu’elles refluent dans les rayons. On se dit qu’on n’est pas si mal lotis. Il y a un petit côté lutte des classes entre nos pauvres paniers et leurs opulents caddies. Le samedi à la caisse moins de vingt, c’est notre 1er Mai ; la rue appartient à la classe ouvrière, de même les caisses à nos paniers qui mènent l’assaut avec leur couleur rouge pour étendard.»

Michel Pierre
( Mis en ligne le 30/06/2010 )
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