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Littératureet Romans & Nouvelles  

Desert Pearl Hotel
de Pierre-Emmanuel Scherrer
La Table Ronde 2010 /  17 €- 111.35  ffr. / 224 pages
ISBN : 978-2710366966
FORMAT : 14cm x 20,5cm

Céleste clocharde

Pandora Petersen, l’héroïne de Desert Pearl Hotel, ne passera pas ce Noël-là avec sa mère ; celle-ci, Doris, est morte peu avant et sa mort enferme Pandora dans un chagrin inconsolable d’où émergent quelques souvenirs, tour à tour heureux ou douloureux, de sa vie avec Doris et Ellroy, son père.

Quelques jours après cette disparition, Pandora reçoit un bouquet de fleurs dans lequel est inséré un mot de quelques lignes : Gil Sanders, un inconnu, qui semble pourtant bien proche de Doris, lui conseille d’aller voir une autre inconnue, Rebecca Hamilton, qui aurait des révélations à lui faire. Pandora, esprit libre et même rebelle à ses heures, n’aime pas qu’on lui dicte sa conduite ; et pourtant, comme une mouche attirée par la lumière, elle va entreprendre ce voyage à travers les États-Unis pour y retrouver un secret que, sans le connaître, elle devine douloureux. Elle ne sera pas déçue !

C’est lorsque ce périple commence que l’on se sent vraiment happé par ce roman. Dans les premiers chapitres, on vivote avec le deuil de Pandora, sans savoir où l’auteur veut nous emmener. Dès les premiers kilomètres de la vieille Honda de Pandora sur les routes de Californie, puis du Nouveau Mexique, on sait où il veut nous attirer : dans cet Ouest américain lointain, théâtre de tant de rêves inachevés. Le voyage de Pandora s’avérera comme une série d’épreuves avant l’arrivée à destination : rencontres improbables d’un autostoppeur dépanneur dans la tempête de neige, d’une prostituée effrayée de faire la route seule et qui l’envahit de sa présence, d’un pompiste tatoué et d’un serveur taciturne…

Dans ce roman de la quête impossible d’un passé révolu, de la quête du souvenir d’une mère, les grands espaces peuplent les mots et le style de Pierre-Emmanuel Scherrer. Pandora, comme une «clocharde céleste» de Kerouac, erre sur les grandes lignes droites des «motorways» du Grand Ouest. Elle va de galère en galère, pour échouer à la fin du roman là où sa mère lui a donné le rendez-vous le plus important de sa vie. On l’accompagne bien volontiers lors de ce périple si singulier dont la fin nous tient en haleine presque physiquement. Une réussite !

Avocat à Toulouse, musicien, parolier, chroniqueur, Pierre-Emmanuel Scherrer décide un beau jour de ses 34 ans de tout laisser tomber quelques temps pour partir à la recherche de Clint Eastwood. De son voyage chez les cousins américains il a rapporté ce premier roman, et il a bien fait.

«Je reprends la route. A fond de train. Gallup approche. Les idées tournent en désordre dans ma tête. Dans mon rétroviseur un truck noir a l’air de vouloir fondre sur moi. Une bestiole vraiment énorme. Sur les flancs de la cabine, des éclairs jaunes. Avec un nombre incalculable de tuyaux chromés. Gil Sanders. Ces camions sont des jouets géants. Les types là-dedans, comme des gosses. Gils Sanders. Le truck me double dans un vacarme indescriptible et ça me perturbe, je ne sais plus trop quoi penser de ce Gil Sanders» (p.97).

Michel Pierre
( Mis en ligne le 23/08/2010 )
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