L'actualité du livre
Littératureet Romans & Nouvelles  

En attendant la montée des eaux
de Maryse Condé
JC Lattès 2010 /  19 €- 124.45  ffr. / 364 pages
ISBN : 978-2-7096-3321-5
FORMAT : 13cm x 20,5cm

Les damnés de la Terre

Autour de la naissance d'un bébé, la petite Anaïs, sortie des entrailles d'une mère qui ne survit pas à l'accouchement, Maryse Condé offre un conte du Sud, une fable sur les damnés de la Terre... "Quelle belle couleur que la couleur noire, l'envers obscur de nos rêves" (p.207).

En attendant la montée des eaux... Ces eaux sont peut-être celles rédemptrices d'un déluge attendu ; ce pourrait être aussi celles d'un ouragan à la fureur annoncée, car la nature n'est pas plus amène que les hommes sur ces territoires à la fois poétiques et sacrifiés. Le roman se termine sur l'une de ces effroyables tempêtes et, à sa toute fin, sur le tremblement de terre qui dévasta Haïti cette année...

Maryse Condé noue quelques méridiens, glisse sur un tropique, depuis l'île maudite jusqu'au Mali et le Liban, associant tout un peuple réuni par l'hydre post-coloniale, misère, abandon, dictatures et guerres fratricides aux tenants obscurs. "Un Arabe, un Africain sub-saharien à demi créole, un Haïtien. C'est d'une nouvelle humanité qu'il s'agirait. Une humanité sans Européens, c'est-à-dire sans Découvreurs-Colonisateurs, sans Maîtres et sans Esclaves ou Exploités. Vous pourrez faire un univers plus juste !". Ils s'appellent Babakar, Fouad et Movar ; trois hommes et un couffin dans les affres d'un présent ubuesque et malin. Chacun raconte son histoire et le roman associe leurs trajectoires jusqu'en Haïti ou Babakar, père adoptif d'Anaïs, espère retrouver la famille de l'enfant. En songe, sa mère, Thécla, la négresse aux yeux bleus, lui délivre quelques oracles...

D'une plume glissante, mots d'une véritable raconteuse d'histoires, Maryse Condé déroule un tapi littéraire certes mité mais point miteux, brodé d'un réalisme magique qui, s'il n'est pas merveilleux, reste assurément enchanteur. De la beauté des choses dures... Un tapi, ou plutôt l'un de ces draps aux pièces cousues ensemble, un tissu patchwork, étoffe des pauvres, à la fois colorée et maladroite. Car le seul hic de ce roman est peut être son manque d'unité ; on passe d'un récit à l'autre comme d'un tissu aux carreaux rouges à un velours vert élimé, sans transition, sans correspondance. Un récit en puzzle où le lecteur se perd souvent, attiré ici par un itinéraire qui, subitement, sera interrompu par un autre. Et c'est dommage. La polyphonie, ici, devient cacophonique...

Mais un roman à lire, complainte des tropiques prompte à déciller quelques regards endormis d'Occidentaux se sentant, trop souvent, et tout simplement, pas concernés.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 24/09/2010 )
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