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Littératureet Romans & Nouvelles  

Beau rivage
de Dominique Barbéris
Gallimard - Blanche 2010 /  15,90 €- 104.15  ffr. / 160 pages
ISBN : 978-2-07-013030-6
FORMAT : 14cm x 20,5cm

Plus ou moins triste

Spleen, spleen, spleen. Les âmes joyeuses éviteront poliment ce texte gris comme une averse, de peur d'y perdre de leurs couleurs. Les autres, et ceux aux oreilles sculptées pour les complaintes, littéraires élégies un rien surannées, d'égotisme subtilement teintées (toute dépression n'est-elle pas en soi un égoïsme ?), trouveront un certain charme dans ce moment littéraire, tranches de vies prises au creux d'un automne.

"Tout le monde est triste, me dit Franck. Plus ou moins triste. Quand on se rend compte" (p.148). L'enseignement, sans doute vrai, apporte ce qu'il faut d'universel à cette histoire pour nous la rendre finalement attachante, voire touchante.

Franck : un thésard, poète érudit comme on peut l'être à l'université (souvent sans panache, c'est son cas), qui termine sa rédaction au calme et au vert, en compagnie de sa femme, ici narratrice, l'observatrice principale à défaut d'être la principale actrice dans le récit. Leur thébaïde est un hôtel de montagne, qui donne au roman son titre. Une sorte de pension tenue par une veuve aux airs de concierge, débonnaire et bovine. La pension est quasiment vide. Un autre couple seulement, Éric et Christine Vasseur, discrets et peu joyeux, eux non plus. On comprend vite que Christine est une ancienne danseuse à la carrière sacrifiée par une blessure incurable. Et puis Serge, solitaire séducteur à la vie mystérieuse ; il est diplomate, on n'en saura pas plus.

Le temps de ces tristes et courtes 160 pages, ce petit monde évolue, se jauge, se critique et s'estime. Se séduit aussi... L'ennui crée chez notre spectatrice l'envie d'être autre que ''femme de'', d'être plus qu'un regard. Un regard qui scrute et cherche à comprendre néanmoins, à la fois entomologiste et poète, ponctuant le récit de détails sur le temps et ses couleurs, la météo et ses caprices, les bruits de la demeure esseulée, le tout relié par l'imparfait, le temps de la remémoration, distance prise par rapport à cette parenthèse montagnarde dont l'épilogue sera aussi un drame.

Triste donc, mais beau aussi. La retranscription du no-man's-land alpestre est parfaite et donne comme une envie de rejoindre soi-même cette nature, belle, dure et imperméable aux larmes humaines, comme peut l'être un miroir.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 15/09/2010 )
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