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Littératureet Romans & Nouvelles  

Suicide Girls
de Aymeric Patricot
Léo Scheer 2010 /  19 €- 124.45  ffr. / 218 pages
ISBN : 978-2-7561-0258-0
FORMAT : 12,4cm x 18,9cm

Eros & Thanatos

C’est une vie rangée que mène ce jeune professeur de région parisienne : un appartement décoré avec soin, une compagne séduisante et cultivée, des origines bourgeoises qu’on ne cache pas. Et pourtant, cette existence paisible se lézarde quand des visions morbides font irruption dans sa vie quotidienne sans qu’il ne puisse les prévenir. Il en attribue l’origine aux doutes qui l’assaillent depuis que son père est mort. Ce que tous ont interprété comme un tragique accident de la circulation, il le voit comme le suicide d’un homme qui, toute sa vie, a imposé à lui-même et à ses proches une tenue, une sévérité et une réserve qui finirent par le tuer.

Pour se guérir de ses pulsions suicidaires et échapper au désespoir que lui procure, plus de dix ans après les événements, la mort de son père, il décide de sonder le suicide, ses raisons, ses modalités aussi, à travers les vies bouleversées de certaines jeunes femmes rescapées de tentatives. C’est en fait à deux voix que se poursuit le roman : ce cheminement douloureux mais fasciné par la violence et la sexualité qui y est souvent mêlée, et le récit de Manon, jeune femme marginale qui depuis ses années de collège a dû subir, à son corps défendant, les assauts des mâles irrésistiblement attirés par une silhouette dont elle semble ignorer la capacité d’attraction sexuelle. Les deux vont se rencontrer, et si une attirance immédiate et puissante les emporte, c’est surtout une renaissance qu’ils entrevoient, comme si avoir sondé la part obscure de leurs êtres leur avait permis d’envisager la possibilité d’un bonheur.

Certes, le roman est sombre. L’auteur voudrait pénétrer, dans la mesure du possible, les tréfonds de l’âme quand elle bascule et qu’on porte la main sur soi. Mais au final, un sentiment d’insatisfaction émane : le lourd héritage paternel est censé justifier la démarche du jeune homme. Pourtant, plus on avance dans le récit de ses expériences, plus il semble que la fascination pour la mort et le sexe est l’unique raison de cette plongée dans les abîmes. De temps à autres éclatent quelques images puissamment exprimées dans une langue travaillée et maîtrisée.

Amélie Bruneau
( Mis en ligne le 22/11/2010 )
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