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Littératureet Romans & Nouvelles  

Avant de disparaitre
de Xabi Molia
Seuil - Fiction et cie 2011 /  19.80 €- 129.69  ffr. / 312 pages
ISBN : 978-2-02-105419-4
FORMAT : 14cm x 20,5cm

Considérations sur la France

On retrouve ici dans le fond comme la forme l'univers que Xabi Molia avait planté dès Supplément aux mondes inhabités : un pessimisme au noir de poisse.

Dans un monde apocalyptique mais réaliste qui pourrait tout à fait être demain, la France est devenue l'antichambre des enfers. Un virus mystérieux y métamorphose les hommes en bêtes et le pays est cette zone de guerre opposant êtres sains et bêtes armées, aidées ici et là par quelques groupuscules extrémistes. A Paris, cité en ruines et en feu, un médecin, Kaplan, diagnostique les infectés, les malades, ceux qui, rapidement, pourraient devenir bêtes.

Kaplan est le personnage principal de cette histoire triste, anti-héros postmoderne, dépressif comme son époque, aussi parce que Hélène, amour de sa vie, est morte, apparemment suicidée. Il ne veut pas le croire et décide d'enquêter, allant jusqu'aux souterrains de Paris - nouvelle Cour des miracles - et... Compiègne (!) pour comprendre.

L'enquête avance, entrecoupée dans le récit par des extraits d'un essai expliquant le pourquoi, le comment de cette épidémie : Le Projet humain, sorte d'équivalent des Considérations sur la France de Joseph de Maistre, parangon de l'antimodernité et de la contre-révolution, imprécateur aux accents prophétiques, chantre de la décadence et d'une fin des temps dont la France serait l'omphalos.

Et il y a de cela sous la plume de Xabi Molia, quelque chose de ravagé et de résolument antimoderne, quelque chose qui sent ainsi le souffre, de l'encre épicée d'un rien de fascisme quand on lit entre les lignes que les regrets de l'auteur, cette critique d'une modernité consumériste, sangsue d'une civilisation anomique vidée par un individualisme total, cache une discrète fascination, un regret timide pour les cathédrales de lumières chantées par Brasillach.

Avant de disparaître, roman fasciste ? Certes non ! Mais ce regret d'une communauté d'âmes, d'un corps social animé d'une foi commune, associé à la peinture d'une civilisation en décadence fait penser à cela, un peu. Comme si l'auteur, abattu par la médiocrité de notre modernité et les murs et impasses vers lesquels elle se jette, regrettait le temps de l'enchantement politique, des fois civiques dont les totalitarismes du siècle dernier, hélas, furent les avortons terribles. Alors, peut-être, si l'entre-deux n'est plus possible et si Paris, cité Lumière, ombilic de la République, est à ce point gangréné, vaut-il mieux en effet disparaître...

Le roman provoque ces réflexions, ce en quoi il est sain et mérite lecture. Peut-être perdra-t-il un peu le lecteur à trop mélanger les genres, philosophique, socio-psychologique, policier, de science-fiction et romantique, dans un style qui n'évite pas toujours les tournures absconses.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 23/09/2011 )
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