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Littératureet Romans & Nouvelles  

Tableaux noirs
de Alain Jaubert
Gallimard - Blanche 2011 /  21 €- 137.55  ffr. / 466 pages
ISBN : 978-2-07-078692-3
FORMAT : 14cm x 21cm

Leçon de vie

La force de ce roman/récit d'Alain Jaubert réside dans sa puissance d'évocation. Récit/roman d'apprentissage, histoire d'une avancée dans la vie, des layettes à l'adolescence, entre Paris soumis aux bombes et les collèges catholiques.

D'emblée, les cubes de bois qui tombent et roulent, la description opère : ce sont ses propres jouets de bois que le lecteur - de tout âge - reverra se dresser maladroitement au-dessus du sol, colonnes qui titubent et s'effondrent dans un bruit sec. Une image (Alain Jaubert est un expert en la matière, on lui doit la série ''Palettes''), patchwork de mémoire et de fiction, rapiécé par des mots.

Et le roman va ainsi, cousant sur ce tissu de vie les petits bouts soyeux des nôtres, le narrateur prend discrètement son lecteur par la main et ce dernier suivra, ravi, malgré certaines longueurs, jusqu'au mot de la fin, qu'on lâche ici : ''heureux''.

Il s'appelle Antoine. On s'appellera Antoine avec lui. Bébé dans Paris occupé, Enfant dans un quartier qui, tout cossu qu'il soit (nous sommes près des Champs Élysée), s'égaye encore du chant des coqs, et du murmure de poules que les concierges élèvent dans les cours des immeubles, un Paris où, l'été, on se baigne encore dans la Seine ; Antoine adolescent qui s'émeut des mots - cardinaux ici ; ils sont le code génétique de cette existence, et du roman - et s'éveille aux plaisirs des sens. Les passages où Antoine découvre le plaisir de la masturbation sont un autre moment très évocateur, dit de façon simple et vraie, tout comme ses premières émotions devant la nudité des femmes. L'éducation religieuse, avec ses interdits... et ses non-dits, les prêtres aux mots probes et aux intentions sales.

Antoine, né pendant la guerre, appartient à la génération ainée de celle des soixante-huitards. Sa France est celle de la guerre et de la reconstruction, pas encore la France des Trente Glorieuses. Un passé passé pour de bon, si l'on peut dire, jolie Atlantide que l'auteur fait émerger de ses mots, sans que les scènes décrites n'aient rien de suranné. Une vibrante leçon de choses, qui est aussi, le mot de la fin le dit, une leçon de vie.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 23/11/2011 )
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