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Littératureet Romans & Nouvelles  

Je changerai vos fêtes en deuil
de Joël Schmidt
Albin Michel 2001 /  19.08 €- 124.97  ffr. / 347 pages
ISBN : 2-226-12122-6

La malédiction du 1er août

Le premier août 1900, Clémence a souffert, tant souffert en mettant au monde sa fille Alphonsine, qu'elle maudit le jour de cet événement, interdisant de le fêter, comme si l’enfant n'était jamais née. La coupable grandit dans la haine de sa mère, punie pour exister. Son père Henri, époux obéissant, sacrifie la fillette acceptant de la confier à sa grand-mère. Mais la soumission n'apaise pas la colère, le renoncement ne sert à rien. Plus Henri courbe l'échine, plus Clémence enrage; plus il la désire, plus elle se refuse. Médecin, il essaie d'oublier dans le travail le mépris de sa femme. Pour assouvir une vengeance injustifiée, cette dernière décide de le tromper et le premier de chaque mois d'août, elle trahira sous le toit conjugal.

Cette date ainsi sacralisée devient le fil conducteur de l'histoire. A force de s'acharner à percer le secret de sa naissance Alphonsine - la fille mal aimée, mal traitée, mal dans sa peau, interdite d'anniversaire - fera sien ce jour de souffrance. Elle découvre sa mère offerte, ouverte à son amant un premier août. Adolescente, elle devient femme, connaît l'amour à son tour, enfante et meurt évidemment cent ans plus tard un même premier août.

L'être humain surtout quand il est jeune croit gouverner son destin. Dans ce roman, les personnages non seulement se soumettent à la fatalité mais encore la fabriquent. Clémence comme Alphonsine n'avancent pas, s'enfoncent dans le passé, figées sur cette date qu'elles décident fatidique, s'empêchant de profiter du présent, peu concernées finalement par les tumultes qui agitent pourtant le XXème siècle, protégées en un sens par leur névrose dont ne les sortent pas les hommes qui partagent leurs vies. Effarés, lunaires, ils demeurent des enfants, s'habituent "à une confrontation quotidienne avec des psychologies féminines bizarres" et ne sachant que faire pour avoir la paix, s'éloignent gentiment espérant ne pas être rappelés à l'ordre car alors ils reviendront, fidèles au poste comme de braves soldats.

Anne-Marie Mitterrand
( Mis en ligne le 02/05/2001 )
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