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Littératureet Romans & Nouvelles  

Le Bâtiment de pierre
de Asli Erdogan
Actes Sud - Lettres turques 2013 /  13,50 €- 88.43  ffr. / 80 pages
ISBN : 978-2-330-01522-0
FORMAT : 10,0 cm × 19,0 cm

Jean Descat (Traducteur)

Une femme et son ange

Asli Erdogan, physicienne de formation, joue un rôle actif dans la défense des droits de l’Homme en Turquie. Elle vit maintenant de sa plume, et ses livres sont traduits en Europe comme aux États-Unis.

Devant le bâtiment de pierre, un vieil homme est assis. Avec son crâne fracassé par une cassure ancienne, il fait peur aux passants et aux clients du café un peu plus bas dans la rue. D’une voix éraillée, il jette des mots sans suite dans le vent, toujours les mêmes mots insensés. Qui est-il et à qui s’adresse-t-il ?

Derrière les murs du bâtiment de pierre, une cour entourée de barbelés. Elle, la femme qui est là, derrière ces murs, elle a vu. Avant qu’on l’emmène au cinquième étage, avant qu’on lui brise les dents et qu’on essaie sur elle la matraque, le ceinturon et le bâton, elle a vu une troupe d’adolescents, presque des enfants encore. Elle les a croisés, armée d’ombres silencieuses et douloureuses, battues, détruites, enfantées par le bâtiment de pierre. Et pendant qu’elle essayait d’avaler le sang qui coulait dans sa bouche, elle les entendait qui tentaient une pauvre chanson. Un défi ?

Elle l’a vu, deviné ou inventé, cet ange, perché sur l’escalier de pierre, qui a soudain déployé ses ailes et a sauté dans la cour. Non ! Il était bien là, avec elle et avant de sauter, il lui a laissé ses yeux.

Cent pages seulement, mais quel retentissement dans le cœur et l’esprit ! On ne sort pas indemne de cette lecture. Rêve, cauchemar plutôt, une femme dans un long poème, tantôt avec ''je'', tantôt avec ''tu'', tente, pour ne pas dériver, d’appuyer son regard et sa conscience sur le souvenir de l’ange qui lui a fait cadeau de son regard. Elle nous emmène avec elle dans cette prison où se côtoient des intellectuels rebelles et de pauvres enfants perdus. Avec elle, on s’enfonce dans l’épouvante, dans l’absurde, dans l’inique et on plonge dans un onirisme terrifiant. On n’oublie pas…

Anny Lopez
( Mis en ligne le 06/05/2013 )
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