L'actualité du livre
Littératureet Romans & Nouvelles  

Standard
de Nina Bouraoui
Flammarion 2014 /  19 €- 124.45  ffr. / 283 pages
ISBN : 978-2-08-131500-6
FORMAT : 13,6 cm × 21,0 cm

Ni... Ni...

Bruno Kerjen n’attendait rien de la vie. À trente-cinq ans, il avait la certitude que «rien d’important ne le précédait et que rien d’important ne lui succéderait». Bruno Kerjen faisait partie des invisibles ; un homme de la masse qui était convaincu que «le monde réel était fait d’hommes et de femmes à son image, qui pouvaient être remplacés sans que personne remarque la différence de l’un, l’absence de l’autre». Ni riche ni pauvre, ni laid ni beau, ni doué ni idiot, cet homme «standard» menait une existence banale. Employé d’une entreprise de composants électroniques, il n’aimait que son travail. Là il était à l’image de son existence, «sans surprise ni grande difficulté».

Jusqu’au moment où il reçoit un appel de son copain, Gilles : Marlène est revenue. Marlène, sa première obsession. Marlène, la femme toxique de ses années de lycée, la seule femme qui suscite en lui une émotion autre que le dégoût. Elle devient son secret, sa nouvelle force. Pour elle, il serait parfait, même si la perfection n’existe pas. Mû par ce rêve singulier, Bruno Kerjen va tout perdre...

C’est un homme qui va chuter. Mais il ne va pas chuter parce qu’il «s’est décidé à aimer». Ce n’est pas un homme tombé amoureux ; c’est un homme hanté par sa première obsession. Marlène n’existe pas vraiment, dans le sens où ils n’ont rien vécu ensemble. Elle n’est qu’un fantasme de son existence dénouée de sens. Il est hanté par son isolement, par l’ennui et par un dédain profond pour les hommes et pour la vie. La tragédie de Bruno Kerjen n’est pas son amour voué à l’échec, c’est qu’il a renoncé à vivre…

À travers sa chute, Nina Bouraoui propose une analyse effrayante d'une société en crise : «Bruno Kerjen faisait partie du désastre comme les millions de petits corps qui se levaient tous les matins pour se rendre au travail sans l’assurance de le garder jusqu’au soir. La crise n’était pas juste économique elle était en chacun des hommes, en chacune des femmes, abîmant les rapports, fragilisant l’amour quand il existait encore». Nous vivons une époque assez terrifiante, assez sombre, assez lugubre, explique-t-elle. La crise se répand dans cette histoire. C’est un roman rude, inquiétant… 

Et pourtant, l'auteur s'adonne librement à des envolées lyriques. Il y a toujours de la lumière et de la beauté dans l’écriture de Nina Bouraoui, ce qui permet de s’échapper de la sinistrose. Bien qu’on n’éprouve pas beaucoup de sympathie pour ce laissé-pour-compte, il inspire quand même une certaine fascination…

Mari Berg Henie
( Mis en ligne le 16/04/2014 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)