Littérature
Romans & Nouvelles de Alain Le Ninèze
Actes Sud 2014 / 22,80 €- 149.34 ffr. / 233 pages
ISBN : 978-2-330-03010-0
FORMAT : 11,4 cm × 21,8 cm
Oracle sibyllin…
Un roman historique, au bon sens du terme, qui fait voyager le lecteur de la Rome de Michel-Ange à celle de l’empereur Auguste. En mai 1510, dans la Rome où Bramante édifie la basilique Saint-Pierre, où Raphaël décore les appartements du pape Jules II, Michel-Ange poursuit son œuvre de titan : les fresques de la chapelle Sixtine, et Alain Le Ninèze en fait le narrateur de son récit.
Seul – ou presque - sur son échafaudage, dans des conditions extrêmement éprouvantes physiquement, en butte à l’incompréhension, mais aussi à la jalousie, à la mesquinerie, fragile devant l’impatience de son mécène Jules II, Michel-Ange peint inlassablement ; le choix de la technique de la fresque exige une peinture sans repentirs, une peinture de l’instant, instant qui est toutefois le résultat d’une longue maturation. Et c’est à cette maturation, résultat à la fois d’un projet et du hasard, qu’Alain Le Ninèze convie son lecteur.
Il s’interroge avec Michel-Ange, et attire toute l’attention du lecteur - qui a plus souvent en tête avec la Sixtine, le doigt de Dieu - sur la Sibylle libyenne. En fin de livre sont reproduites l’étude de Michel-Ange pour la Sibylle libyenne et le résultat final (qui donne la couverture du roman). Qui a inspiré Michel-Ange pour cette Sibylle ? Et pourquoi a-t-il éprouvé le besoin de la représenter ? Tout le talent de l’auteur est d’entraîner son lecteur dans une histoire riche qui alterne les chapitres, et va de la Rome de la Renaissance à la Rome augustéenne.
C’est dans l’Antiquité qu’Alain Le Ninèze trouve la clé de l’inspiration de Michel-Ange ; clé qu’apporte au peintre un jeune et séduisant secrétaire du pape, Livio, qui aurait retrouvé dans les ruines du temple de la Sibylle à Rome un manuscrit d’un ancien précepteur d’Auguste, Sphaerus. Entre Michel-Ange et Livio, attirés par une séduction réciproque, se nouent des liens forts, générateurs de jalousie dans l’entourage des deux hommes. Les deux récits parallèles sont tout aussi passionnants : l’enquête de Sphaerus, et la construction de la relation entre Michel-Ange et Livio.
Avec une virtuosité élégante, Alain Le Ninèze construit un roman double : la création de Michel-Ange et la quête de Sphaerus envoyé par Auguste chercher l’explication d’une vision mystérieuse reçue par l’empereur : une femme et un enfant dans le ciel. La tradition a retenu cet oracle sibyllin, dans lequel les chrétiens ont voulu voir l’annonce de la venue de Jésus : véritable oracle ou faux historique rédigé sous le règne de Constantin au IIIe siècle ?
Il serait dommage de révéler au lecteur l’énigme qui sous-tend tout le roman et les divers rebondissements, mais on regardera désormais d’un tout autre œil cette Sibylle moins connue que ses sœurs de Cumes ou de Delphes, vêtue de jaune safran et au regard pensif. Tout au long de ce récit, Alain le Ninèze démontre que ces prophétesses païennes de l’Antiquité ont toute leur place dans une œuvre qui célèbre la création divine et l’annonce d’un monde chrétien.
Après Sator. L'énigme du carré magique (Actes Sud, 2007), ouvrage pour lequel il a reçu le prix Jean d'Heurs du roman historique, La Controverse de Bethléem (Actes Sud, 2009) et Agla. Le premier évangile (Actes Sud, 2012), Alain Le Ninèze confirme son talent de romancier.
Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 21/05/2014 )
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