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Littératureet Romans & Nouvelles  

Au nom de Sa Majesté
de Laurent Graff
Le Dilettante 2015 /  14 €- 91.7  ffr. / 158 pages
ISBN : 978-2-84263-836-8
FORMAT : 12,0 cm × 18,0 cm

Houat else ?...

Laurent Graff, malade du monde, rétif à autrui dans son précédent roman, Grand absent, un roman difficile à comprendre, nous revient avec un petit bijou tout en dentelles et poésie, dans lequel on s’aperçoit que l’écriture est devenue une évidence pour l’auteur. 

Au nom de Sa Majesté se divise en deux parties. La première comprend une phrase par page et fait défiler ainsi les évidences et les rêves : «c’est en faisant la vaisselle qu’on mesure la solitude, un verre, une assiette, un couteau, une fourchette. Quand l’évier déborde, c’est la fête» (p.32). Chaque phrase se déguste et fait sortir l’île du néant à travers les quelques mots que l'auteur disperse sur ces pages blanches. Il veut se confronter à l’île, à sa solitude, et prendre possession de ce monde étrange où s'inscrit la vie insulaire.

La seconde partie raconte les aventures de l’auteur sur la petite île d’Houat, du côté de Quiberon et de Belle-Île, pendant les cinq semaines de sa location d’une maison de pêcheur. Il écrit sur des feuilles volantes en parcourant la lande. Cela suffit à faire naître la curiosité ; la rumeur prétend qu’il serait là pour préparer le tournage d’un James Bond (d’où le titre !). Au cours d’une soirée mémorable, le maire et ses deux adjoints vont chez lui et l’interrogent sur ses véritables intentions à grand renfort de bolées de Champagne puis de vin rouge. Fortement alcoolisé, l’écrivain ne dément rien. Pendant cette fête improvisée, ils s'épanchent et lui font des confidences en racontant la vie sur l’île, ses secrets, les disputes entre familles, l’insularité, l’éloignement, la solitude.

Laurent Graff, dans ce roman autobiographique, nous rend ainsi plus lumineuse et gaie la vie sur Houat. «Il ne s’agissait pas de tromper son monde, mais de donner une autre vie à l’île. Quand on écrit sur un lieu, on fait naître forcément des histoires, des légendes, on n’est jamais loin du conte» (p.81). Même si la réalité est tout autre, presque plus de pêcheurs, les jeunes qui partent sur le continent, et l’ennui qui infuse. Seuls les touristes, l’été, redonnent un semblant de vie.

Le ton est toujours humoristique, léger, papillonnant. C’est un très beau texte, original dans sa forme et pur dans sa construction poétique. Même la couverture est rare, faite de planches de natures sous-marines peintes ; «Le sourire est la fleur du silence» (p.145). A lire absolument.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 13/04/2015 )
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