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Littératureet Romans & Nouvelles  

Nous
de David Nicholls
10/18 - Domaine étranger 2016 /  9,10 €- 59.61  ffr. / 552 pages
ISBN : 978-2264067425
FORMAT : 11,0 cm × 17,0 cm

Première publication française en avril 2015 (Belfond)

Valérie Bourgeois (Traducteur)


Je ne t'aime plus, mon amour

Après l'énorme succès d'Un Jour, critiques dithyrambiques, ventes vertigineuses et adaptation cinématographique, David Nicholls était attendu au tournant. Cinq ans plus tard, il relève le défi avec Nous et obtient dans la foulée une sélection pour le Man Booker Prize - juste reconnaissance et gage de qualité incontestable.

Un Jour racontait l'histoire d'amour mouvementée entre Emma, une intellectuelle sage, et Dexter, un hédoniste quelque peu puéril, et dépeignait une relation qui mit vingt ans à se construire. Avec Nous, David Nicholls se penche à nouveau sur un couple tout aussi improbable mais qui, cette fois, affronte après vingt ans de mariage une crise conjugale due à une usure unilatérale des sentiments.

«Notre mariage est arrivé en bout de course. Je crois que j'ai envie de te quitter». Le choc est violent et la stupeur totale chez Douglas lorsque Connie le tire de son sommeil pour lui asséner ces deux phrases assassines. Néanmoins, loin d'accepter la sentence, il décide de se battre pour reconquérir celle qu'il considère comme la femme de sa vie.

Le voyage en Europe avec leurs fils Albie, avant que ce dernier ne quitte la maison pour poursuivre ses études, était prévu de longue date et minutieusement organisé par Douglas. Connie ne souhaitant pas l'annuler, l'époux éconduit y voit la chance de se révéler sous un autre jour et de réparer les erreurs qu'il est conscient d'avoir commises. Trop sérieux, un tantinet psychorigide, Douglas, cinquante-quatre ans, biochimiste de formation, a rapidement abandonné la recherche pour un poste nettement plus lucratif dans le privé, qui assurait une vie matériellement agréable à sa famille. Sauf que pour Connie, de deux ans sa cadette, accepter de quitter Londres pour aller habiter à la campagne ne signifiait rien de plus qu'un enterrement de première classe, la résignation à un choix bien loin de ses propres valeurs et de sa conception de la réussite. Son côté artiste déjantée et libérée, tout feu tout flamme, dont Albie a hérité, finit donc par se réveiller. De façon révélatrice, c'est d'ailleurs autour de l'art que se cristallisent les dissensions entre les personnages. Albie, très soutenu par sa mère, veut devenir photographe ce que Douglas, qui souhaite voir son fils s'orienter vers un métier sérieux, ne comprend pas.

Le voyage, conçu, selon le désir de Connie, comme un Grand Tour, entraîne le trio dans un marathon culturel jalonné des plus célèbres musées européens. Cependant, en dépit d'efforts louables, Douglas ne parvient pas devant une œuvre d'art à se laisser emporter par ses sensations et à exprimer un sentiment personnel, ce qui renforce le mépris d'Albie et la commisération de Connie à son égard. C'est dans cette difficulté à «lâcher prise» et à se laisser aller que réside le principal problème de Douglas. Parvenir à la dépasser est la seule solution pour espérer regagner l'estime de ceux qu'il aime. Ce périple, auquel s'ajoute une plongée dans ses souvenirs, va lui en donner l'occasion... mais cela sera-t-il suffisant pour reconstruire une harmonie perdue ?

La structure du roman réverbère habilement ce double voyage et fait alterner présent et passé au gré d'épisodes éclairants, souvent très drôles, parfois tristes et graves. On retrouve avec bonheur la subtilité délicate et la justesse de ton de David Nicholls, décidément toujours aussi à l'aise dans l'art de faire rire que dans celui d'émouvoir sans mièvrerie. Un régal de 500 pages que l'on peut choisir de dévorer ou de savourer. De toute façon, le plaisir est garanti !

Florence Bee
( Mis en ligne le 08/04/2016 )
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