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Littératureet Romans & Nouvelles  

Ce que j’appelle jaune
de Marie Simon
Léo Scheer 2016 /  18 €- 117.9  ffr. / 200 pages
ISBN : 978-2-7561-1096-7
FORMAT : 12,5 cm × 19,0 cm

Mémoires d’un fœtus

«C’est même mieux, je profiterai des deux ou trois semaines qu’il me reste à passer ici pour atteindre une maturation parfaite. Ma détermination est inébranlable, c’est celle d’un petit seigneur» (p.40). Un enfant à naître nous décrit la vie de sa future maman, ses doutes, ses faiblesses. Tel est le thème du deuxième roman de la toulousaine Marie Simon qui donne la parole à un petit être en devenir très sûr de lui. Tour à tour bienveillant ou déterminé, il entend bien modifier la vie de celle qui le porte avant qu’il vienne au monde.

Le sujet principal avant la maternité est celui de la filiation, créer un équilibre entre ce futur petit garçon et cette femme abandonnée pendant sa grossesse par son «canard» de compagnon, par ses amis. Elle a pris conscience grâce au bébé de sa nécessité, de son importance dans cette nouvelle vie ; elle qui est seule va trouver sa vocation de mère. Ce fils est tout ce qui lui reste et va combler sa vie future. «L’enfant l’a ramenée de l’enfance, sortie du secret, pour en faire une présence nourricière, grasse et gorgée d’eau. Enfin elle va devenir essentielle à quelqu’un, enfin on va faire d’elle une femme. Il est temps maintenant de rattraper le temps de la grossesse qu’elle a manqué et d’en recoudre la chronologie» (p.52).

Ce nouvel état presque terminé aide la jeune mère à dompter le chagrin de l’enfance. Elle est investie de quelque chose qu’elle n’avait pas prévu ou pressenti. Le fœtus efface sa vie antérieure et va se créer une maman à son image, forte et décidée à vivre heureuse. Elle se sentira quelqu’un, deviendra adulte, sera une mère dans toute sa beauté et son importance. A deux, ils seront les plus forts, face au monde qui les entoure, ami ou ennemi. Elle ne l’avait pas conçu à dessein, mais maintenant qu’il est installé, tout son amour et sa volonté convergent vers lui.

On est frappé par les mots très forts de ce futur enfant qui sait où il va et utilise des paroles d’adultes pour le dire. Habilement mené, le roman se lit d’une traite, tant l’écriture de Marie Simon, d’une maîtrise totale, emporte le lecteur où elle veut, en jouant une attachante petite musique sur toute la gamme des sentiments. L’idée de prendre la voix de ce petit être à naître et d’en faire le narrateur du récit est merveilleuse, trouvaille littéraire et jolie métaphore pour l’acte d’écriture : le bébé anime la mère comme le mot donne naissance à l’écrivain.

Pour toutes les mères et les amateurs de belles phrases.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 15/01/2016 )
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