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Littératureet Romans & Nouvelles  

Les Vies multiples d'Amory Clay
de William Boyd
Seuil - Cadre vert 2015 /  22,50 €- 147.38  ffr. / 516 pages
ISBN : 978-2-02-124427-4
FORMAT : 14,7 cm × 22,0 cm

Isabelle Perrin (Traducteur)

Une femme et son siècle

William Boyd aime les vieilles dames et leurs dentelles de souvenirs (on pense à Ruth dans La Vie aux aguets) ; il aime l'Histoire faite par les hommes et faiseuse/défaiseuse de vies ; la littérature aussi, l'argile de la fiction. Est-ce d'ailleurs un hasard si l'héroïne et narratrice de son dernier roman s'appelle Clay, terme dont la traduction française renvoie justement à la roche meuble et malléable ?...

Amory Clay nait dans une famille anglaise aisée. 1908, un siècle s'ouvre à elle, qu'elle dévorera pleinement, d'une guerre à l'autre, de drames en idylles, sur tous les continents. Une dévoration passant par l'''objectif''. Très jeune, poussée par un oncle homosexuel, elle adopte cette technologie nouvelle, devient artiste, photographe, reporter. La Grande guerre casseuse de gueules et d'âmes (elle y perdra son père), le Berlin fou des années 20 et 30, New-York avant une autre guerre, l'Allemagne à la Libération, puis le Vietnam... et les communautés hippies californiennes... Jusqu'au cottage que la femme, vieillie, occupe au fin fond de l’Écosse, Barrandale, les années 70 au crépuscule, sa vie tout autant.

Le récit alterne les époques, entre le journal des dernières années et les épisodes de cette existence tumultueuse, les amants, les époux, les enfants, deux filles, un lord écossais alcoolique et flambeur, un écrivain français, un jeune soldat américain, un patron de presse américain lui aussi... et adultérin, même une (im)probable expérience saphique pour cadrer avec la licence du Berlin des Années folles. Des photos ponctuent ces souvenirs, noir-et-blancs balisant une existence, signalant un regard, de l'intime à l'universel.

Dans la précipitations de chapitres courts et des clichés, 500 pages auront surgi, lues rapidement et, toujours chez Boyd, non sans plaisir, l'occasion d'un divertissement littéraire. Mais le style, ici plus qu'ailleurs chez l'auteur, peut-être, roucoule, il ronronne, enchaînant les péripéties de manière trop linéaire (malgré l'illusion de flashbacks). Amory, sur la surface d'un siècle brossé à grandes enjambées, y perd en profondeur. On le regrette.

Un itinéraire féminin, féministe, épopée intime d'une avant-gardiste discrète sortie toute droite de l'imagination d'un écrivain prolifique.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 29/01/2016 )
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