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Littératureet Romans & Nouvelles  

Muse
de Jonathan Galassi
Fayard 2016 /  20.90 €- 136.9  ffr. / 262 pages
ISBN : 978-2-213-68723-0
FORMAT : 13,5 cm × 21,5 cm

Anne Damour (Traducteur)

Élégie pour un monde perdu : poésie et édition dans l'Amérique contemporaine

Traducteur confirmé, poète réputé et éditeur de poésie pour la Paris Review, Jonathan Galassi est en outre et pour ne rien gâcher le président de la maison d'édition Farrar, Straus & Giroux. Dans son roman Muse, Galassi propose une élégie pour le monde américain de l'édition. Déconstruisant ce microcosme particulier, l'auteur montre que les intrigues y composent une bataille longue de dix ans pour parvenir à publier tel poème, que les différences de styles nourrissent les différences d'opinions... et de statuts, que la personnalité d'untel y vaut toutes les autres... Ces gentlemen éditeurs aux trains de vie ''grands bourgeois'', narcissiques en diable, poursuivent leurs désirs et jouent leur rôle : incarner la littérature.

C'est néanmoins le déclin de cette vieille industrie que Galassi décrit à travers une dispute entre Paul et son amant Rufus. Vers la fin du récit, Paul déplore cela, constatant qu'ils n'auraient pu s'intéresser moins au fait qu'un poète a sacrifié sa vie pour créer une œuvre immortelle ou qu'un éditeur se serait battu jusqu'au bout pour permettre à un roman d'éclore à la face du monde.

Muse met aussi en avant le succès vrombissant de la poétesse Ida Perkins après la Seconde Guerre mondiale, avec cette touche nouvelle dans le paysage littéraire, celle d'une création aussi portée par des femmes. Nous sommes au temps de la Beat Generation, quand ces problématiques envahissent le champs de la création poétique : le genre, l'ethnicité, les penchants sexuels.

Et l'amour, ses impasses et ses horizons, son intensité, sa violence, futile autant qu'essentiel. Cette thématique éculée, Galassi en manie les paradoxes en dépeignant les vies dégingandées de ses personnages. A travers les turpitudes des vies amoureuses d'Ida et de Paul, une équation se dessine, dont on peut comprendre d'ici la fin du roman que la solution reste l'amour-même, qui fait vivre et détruit tout autant.

Yujia Liu
( Mis en ligne le 07/09/2016 )
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