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Littératureet Romans & Nouvelles  

Une comédie des erreurs
de Nell Zink
Seuil - Cadre vert 2016 /  20,50 €- 134.28  ffr. / 304 pages
ISBN : 978-2-02-122043-8
FORMAT : 14,7 cm × 22,0 cm

Charles Recoursé (Traducteur)

Évasion

Écrivain californienne qui vit à Berlin, après avoir exercé divers métiers, Nell Zink (née en 1964) est devenue romancière, encouragée par Jonathan Franzen, et Une comédie des erreurs (Mislaid) est son second roman, le premier publié en France. Un roman de lecture facile qui puise à nombre de grandes sources des romans américains : le roman universitaire, la société du Sud, la place des Noirs, le roman de mœurs et l’apparition de l’homosexualité dans l’Amérique de la fin des années 1960.

Nell Zink brasse ces thèmes en s’inspirant fortement de ses prédécesseurs : une part de l’intrigue semble directement issue de La Tache de Philip Roth, en inversant le thème : l’héroïne décide de se faire passer pour noire avec sa fille, véritable challenge compte tenu de leur blondeur… La raison : échapper, à la suite d’une ultime dispute, au mari et au père qui va les faire rechercher. Une stratégie : se cacher au plus près, alors que leurs poursuivants vont imaginer une évasion lointaine.

La première partie du roman se passe dans un campus universitaire de Virginie dans les années 1960, qui évoque tout à la fois les romans de Donna Tartt et ceux de Tom Wolfe. Une université réservée aux femmes, aux débuts d’un lesbianisme qui s’affiche. Lee, le professeur de poésie dont Peggy tombe amoureuse, alors qu’elle se pense lesbienne, est, lui, homosexuel, mais se laisse tenter un temps par une vie amoureuse et conjugale. De cette liaison naitront deux enfants, un fils Byrdie et une fille Mireille (qui deviendra Karen), celle que Peggy emmène dans sa fuite, alors que Byrdie reste avec son père, un choix... ou hésitation trop longue au moment du départ maternel. Peggy comme Lee sont issus des élites sociales WASP et Nell Zink s'inscrit ainsi dans toute une tradition de romans sociaux américains pour décrire la rigidité et le conformisme de ces milieux.

L'auteure fait de son héroïne une révoltée... mais il est difficile de croire à sa révolte, tout comme il est difficile de croire à sa fuite, au squat, à sa survie dans des quartiers noirs pauvres avec des moyens douteux, à la réussite exemplaire de sa fille et de l’ami de celle-ci, un jeune noir nommé Temple. Quant au dénouement final, qui se passe au cœur d’une orgie de confréries universitaires, et qui débouche sur une happy end, il est hautement improbable.

À lire ce court roman, on a un peu l’impression d’un exercice d’atelier d’écriture avec ses qualités et ses limites, même si l'on peut se laisser prendre par l’histoire, en dépit de ses multiples invraisemblances, et la lire comme un conte de fées contemporain dans une Amérique de la fin des années 1960, lieu de tous les possibles...

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 19/09/2016 )
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