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Littératureet Romans & Nouvelles  

Les Visages pâles
de Solange Bied-Charreton
Le Livre de Poche 2019 /  7,90 €- 51.75  ffr. / 380 pages
ISBN : 978-2-253-07077-1
FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm

Première publication en août 2016 (Stock - La Bleue)

... le temps de...

Il y a du Balzac et du Muriel Barbery dans cette radioscopie réussie d'une France, d'une classe, d'une génération. Nous sommes dans la bourgeoisie installée du tournant du XXIe siècle, dans la France des terroirs et du CAC40, celle de la ''Manif' Pour Tous'' et des écoles de commerce, de la Génération X... vingt ans après.

La jeunesse largue les amarres, le patrimoine doit se partager, les carrières et les mariages, en vitesse de croisière, pourraient chavirer. Une fratrie, Hortense, Lucille et Alexandre, incarne ces illusions perdues, alors que, à la mort du grand-père, pape de la brosse à dents made-in-France, la propriété familiale est en sursis, en danger. Le père, Jean-Michel, baby-boomer vieilli, entend solder les comptes. Les enfants ne sont pas d'accord. Et la loi Taubira pourrait bien passer à l'Assemblée.

Solange Bied-Charreton saisit à merveille les conflits et les ententes au sein d'une tribu particulière. Les attentes et les regrets. La mère aristocrate jouant les Jeanne d'Arc de la France qui dit non, son fils Alexandre enrôlé fièrement dans la bataille anti-moderne ; Lucille un peu paumée, créa perchée dans une tour de La Défense, et qui tombe en amour pour Charles ; Hortense la combattante, cadre sup à la vie im-pec-ca-ble - mari financier, enfants Montessori, appartement made-in-design... jusqu'à ce que l'édifice de sa vie ne collapse... comme il se doit.

C'est aigre-doux, nourri - on le sent - d'expériences personnelles, de la soie de l'intime, aiguisé d'un sens de l'observation qui fait mouche et vaut, dans le texte, de superbes fulgurances sur ''ces gens-là'' et nous-mêmes. Nostalgique, désabusé, intelligent, Les Visages pâles constate le passage du temps. "Le programme télévisuel Loft Story et le milliardaire terroriste Ben Laden avaient pourtant marqué la fin de leur innocence. Les gens devenaient dangereux, les gens devenaient vulgaires".

On est moins convaincu par l'épilogue qui, au marasme social et culturel d'une époque ''sans hargne'' plaque la bluette en mode blues d'une love story qui se gangrène. Pour le reste, rien à dire, un beau roman, le plus abouti à ce jour d'une auteure à suivre. "J'en parle comme d'une vacance au milieu du tumulte de nos vies actives, de l'ouragan de nos vies rentables, d'un divertissement. J'en parle pour mémoire, comme d'un sarcophage. De l'enterrement d'un ancien combattant, d'un drapeau français sur un cercueil, de la vente d'une maison déserte, et d'une terre native tombée en désuétude. J'en parle à présent comme d'un charme achevé".

Thomas Roman
( Mis en ligne le 19/07/2019 )
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