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Trois histoires de John Maxwell Coetzee Seuil - Cadre vert 2016 / 13 €- 85.15 ffr. / 80 pages ISBN : 978-2-02-130561-6 FORMAT : 13,1 cm × 18,5 cm Georges Lory et Catherine Lauga du Plessis (Traduction) Mondes disparus John Maxwell Coetzee, né en Afrique du Sud en 1940, naturalisé Australien et prix Nobel en 2003, nous revient avec un recueil de trois nouvelles en apparence légères mais lourdes de sens. Est-ce autobiographique ? Le "il" veut-il dire "je" ? Le lecteur croira ce qu'il voudra... Une maison en Espagne : au fond de la Catalogne, à Bellpuig, la maison est achetée par "il". Il ne comprend pas qu'on puisse tomber amoureux d'une maison, d'un endroit. Mais lui-même s'y attache jusqu'à se poser des questions sur les propriétaires précédents, qui ont fait l'histoire du lieu. Quel souvenir laissera-t-il aux autres habitants ? Quelle peut être l'importance de l'homme sur la terre, son empreinte? Cet achat dans lequel il utilise la métaphore du mariage arrangé est très sérieux et n'est pas le fruit du hasard même si ce n'est pas un coup de foudre. Mais de là à le comparer à une relation humaine, l'auteur au début est réservé. Peut-être que les mots trop modernes sont galvaudés et l'importance des sentiments est niée. Cependant, "il" y pense de plus en plus et veut y venir souvent car sinon comment laisser un souvenir très fort ? Il veut avoir avec cette maison dans un pays étranger une relation humaine, si absurde que puisse paraître l'idée d'une relation humaine avec de la pierre et du mortier. Gentillesse, fidélité, dévouement, service. Pas de l'amour encore mais quelque chose qui y ressemble (p.24). Dans le deuxième texte, intitulé La ferme, Coetzee évoque le désert du Karoo en Afrique du Sud, autrefois, terre fertile devenue aride à la suite des sécheresses des années 30. Le personnage guide deux amis américains au milieu de ces terres ingrates. La chasse, la cueillette, puis le pastoralisme puis l'agriculture: voici ce qu'on lui avait appris dans son enfance (p.36). Mais un nouveau modèle économique se développe dans cette région: un tourisme ridicule avec des hôtels victoriens comme au temps jadis, des parcs à thèmes avec l'importation d'animaux pour les safaris, une intervention de l'homme tout à fait artificielle, qui veut copier l'ancien modèle disparu, alors que l'activité moderne est le ranch à moutons pilotés depuis un hélicoptère. Devenir les valets des touristes fortunés pour faire semblant n'est pas digne de ces faux propriétaires qui ne connaissent plus la vraie valeur de la terre. Qu'est devenue leur liberté? L'ordre du monde est renversé... La dernière histoire, "Lui et son homme", est le discours de réception à l'Académie Nobel de Stockholm, par J.M. Coetzee. C'est une réflexion sur le lien littéraire entre l'écrivain et son personnage à partir de l'exemple de Daniel Defoe et du marin perdu sur une île pendant cinq ans, qu'il a rendu célèbre sous le nom de Robinson Crusoé. Il y a "lui" dans le titre, que ce soit Defoe ou Coetzee lui-même ; le problême de cette relation difficile, intime, perdure trois siècles plus tard. L'auteur s'intéresse depuis longtemps à cet écrivain anglais au point d'intituler un de ses romans "Foe", variation libre sur le thème de Robinson; fable, allégorie, ce roman explore et interprète les extrêmes vers lesquels nos vies sont poussees. Comment faut-il le figurer cet homme et lui ? Le maître et l'esclave, des frères, des jumeaux ? (p.68). Dans ce tout petit recueil, l'essentiel est dit en quelques phrases, sur un ton toujours aussi brillant avec un texte finement ciselé. Saluons la mémoire de la traductrice Catherine Lauga du Plessis, récemment décédée. Eliane Mazerm ( Mis en ligne le 14/11/2016 ) |
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