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Les Dieux de la steppe
de Andreï Guelassimov
Actes Sud - Lettres russes 2016 /  22.80 €- 149.34  ffr. / 352 pages
ISBN : 978-2-330-06457-0
FORMAT : 11,7 cm × 21,7 cm

Michèle Kahn (Traducteur)

Au-delà du lac Baïkal

''Petka était sûr qu’on le tuerait à la guerre. Il n’envisageait pas de mourir autrement'' (p.11). Cet enfant sauvage et misérable, qui ne rêve que de guerre vit en Sibérie, non loin de la frontière chinoise, avec ses grands-parents et sa mère, des gens très pauvres vivant près d’un camp de prisonniers japonais, des samouraïs rescapés de Mongolie.

Petka se bât à longueur de journée avec les chenapans du village, vagabonde avec son copain malade Verka... à la recherche de Hitler qui a disparu à Berlin depuis fin mars, tout en attendant le retour du front de ses deux oncles, voire celui de son père inconnu. Ce Gavroche des steppes n’a peur de rien, ni de la douleur, ni la trahison, ni de la mort. Des moments importants rythment sa pauvre existence : voir passer les trains des tankistes et des convois blindés vers l’Est, protéger le louveteau qui affole toutes les chèvres et qu’il a adopté en cachette, le faisant passer pour un chien. Tout le reste, la faim, l’injustice, les coups... cela fait partie d'un ordre immuable.

Petka partage cette sagesse avec Hirotaro, le prisonnier japonais qui s'échappe du camp régulièrement ; médecin, il récolte des herbes pour soigner et soulager tout le monde, Russes et Japonais. Le soir, en cachette, il tient un journal sur ses ancêtres, pour ses enfants... mais sa famille de Nagasaki sera anéantie le 9 août 1945 par la deuxième bombe atomique. Avec cette rencontre inopinée dans la steppe, ce sont deux cultures qui se découvrent, deux univers très différents.

Andreï Guilassimov écrit un texte déroutant au début, étonnant, savoureux et dense, balayé par le vent salé de la steppe extrême orientale et porté par un vrai souffle épique. Il chante l’esprit russe fait de paradoxes, infini et désordonné, indomptable et attendrissant, amusant et désespéré. L’auteur s’efface complètement derrière ses personnages qui font la force du récit.

''A propos de ''sourire'', c’est un mot que Petka utilisait rarement. Il disait plutôt ''montrer les dents'' ou ''montrer les crocs'', ou bien il ne disait rien (…). Que tu souries ou pas, on ne te donnera pas plus à bouffer''. (p.188). On salue la traduction de Michèle Kahn.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 19/12/2016 )
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