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Littératureet Romans & Nouvelles  

Si rude soit le début
de Javier Marías
Gallimard - Folio 2019 /  9,50 €- 62.23  ffr. / 608 pages
ISBN : 978-2-07-282523-1
FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm

Première publication française en janvier 2017 (Gallimard - Du Monde Entier)

Marie-Odile Fortier-Masek (Traducteur)


''... le pire reste derrière nous''

Mémoire, secrets, remords, regrets. La référence à Shakespeare, inscrite dans le titre - ''Thus bad begins and worse remains behind'' / ''Si rude soit le début, le pire reste derrière nous'' - prend tout son sens au fil des chapitres de ce roman mélodrame.

Juan de Vere, narrateur, se souvient aujourd'hui de ses jeunes années dans le Madrid des lendemains de la dictature. Un Madrid qui n'est pas vraiment celui almodovarien de la Movida sinon ces rues et bâtiments confits de fantômes, ceux de l'Espagne de Franco, jeux doubles, machisme adoubé par la religion, une injustice fondée en système, matière dense dont les vérités sont volontairement tues, entre rictus, plissements des regards et recoins ombrageux.

Le jeune Juan évolue dans cette étrange comédie humaine. Assistant du cinéaste Eduardo Muriel, il se voit confier par ce dernier la mission d'en savoir plus sur l'ami, le docteur Van Vechten. La femme de Muriel, Beatriz, fleur fanée, fascine le jeune secrétaire, spectateur inquiet du non-amour la liant au réalisateur, homme dur, charismatique et fantasque. Juan ausculte ce mariage malade, suit Beatriz, séduit Van Vechten dont il fait son compagnon de virées nocturnes, afin de percer son mystère. La petit histoire, les drames de la vie, se cousent sur les tragédies de la Grande et tissent ensemble tous ces itinéraires.

Juan se souvient avec une minutie traduite en de longues phrases, une respiration proustienne épousant les circonvolutions de l'âme, de ces journées particulières qui ont teinté ses vingt ans. Le roman est alors aussi le récit d'un apprentissage - amour, mensonge, fierté, vengeance - à travers le regard d'un alter ego vieilli, le Juan d'aujourd'hui. Peu de nostalgie nimbe l'ensemble, plutôt un constat désabusé sur les ravages du temps et nos petitesses humaines.

L'intrigue avance ainsi lentement, parfois trop lentement, au risque de l'ennui. Mais le dénouement, sur les cinquante dernières pages, ramasse et réunit ces chapitres étirés, comme un élastique qui lâche, et donne de l'ensemble le sentiment d'une entreprise romanesque réussie, de main de maître.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 25/10/2019 )
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